Liban: les nouveaux rebondissements dans l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth exigent une internationalisation de l’enquête

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(Rome, le 12 décembre 2020). Les poursuites engagées par le procureur Fadi Sawan contre le premier ministre démissionnaire Hassan Diab et trois anciens ministres (Youcef Fenianos, déjà visé par des sanctions américaines, et Ghazi Zeaïter, deux anciens ministres des Travaux publics et Transports, et ALi Hassan Khalil, ancien ministre des Finances lui aussi visé par les sanctions américaines pour sa complicité avec le Hezbollah) pourraient provoquer un séisme politique de la même magnitude que le séisme provoqué par l’explosion du port de Beyrouth, soulignent plusieurs médias libanais. Car l’enquête pourrait rapidement s’internationaliser, comme le réclame avec insistance, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea.

L’élargissement de l’enquête est indispensable pour identifier les propriétaires des 2750 tonnes de nitrate d’ammonium, mais aussi les bénéficiaires de ce trafic géré par le Hezbollah et les Gardiens de la Révolution iranienne, au profit du régime de Bachar Al-Assad. Car, plusieurs médias rappellent que depuis 2013, le régime syrien a commencé à utiliser des barils explosifs contre les civils, une arme redoutable et peu chère. L’armée d’Assad bourrait ainsi des conteneurs métalliques en nitrate d’ammonium et les larguait sur les quartiers résidentiels pour terroriser la population. C’est l’Iran, via le Hezbollah et avec la complicité de la Russie, qui fournissait le nitrate d’ammonium à Damas à travers le port et l’aéroport de Beyrouth. Sur le stock initial de 2750 tonnes de ce produit hautement instable, il ne restaient que 600 ou 700 tonnes dans le hangar N° 12 et qui ont explosé le 4 août dernier. L’enquête devrait ainsi déterminer la destination des 2000 autres tonnes. Ce qui devrait impliquer directement le Hezbollah et indirectement les dirigeants libanais en exercice, qui lui ont assuré une couverture politique durant les 7 dernières années.

Mais les Libanais redoutent une fuite en avant du Parti de Dieu, destinée à empêcher l’enquête d’aboutir. Le Hezbollah, qui est déjà soupçonné de l’assassinat d’un officier des douanes à la retraite, Mounir Abou Rjeili, début décembre, et de Joseph Skaff, un autre colonel du même service, tué en 2017. Les deux victimes avaient servi au port et avaient dénoncé le stockage de produits dangereux et les trafics du Hezbollah. Ils auraient ainsi été exécutés pour empêcher la vérité d’éclater. Rien d’empêche cette organisation terroriste de récidiver, y compris contre le juge d’instruction. Les Libanais redoutent aussi des manœuvres politiciennes et confessionnelles qui pourraient freiner l’enquête. A titre d’exemple, Saad Hariri a apporté son soutien à son successeur et pourtant concurrent politique Hassan Diab, non pas parce qu’il est innocent, mais pour se protéger lui-même et pour « protéger les intérêts de la communauté sunnite » au détriment de la vérité et de la justice. De même, le duo chiite défend Ali Hassan Khalil en considérant qu’à travers lui, c’est la communauté chiite qui est visée. Rien n’empêche certains chrétiens de voler au secours de Michel Aoun et Gebran Bassil – bien qu’ils soient indéfendables – au nom des « intérêts de la communauté » et noyer ainsi l’enquête libanaise. Seule l’internationalisation de celle-ci peut faire la lumière sur l’explosion, déterminer les responsabilités, jugé les responsables et rendre justice à Beyrouth.

Paolo. S