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Liban : la Banque mondiale bloque les fonds pour le barrage de Bisri. Une petite victoire du peuple sur ses « pilleurs »

(Roma 17 avril 2020). La Banque mondiale a suspendu les fonds alloués à la construction du barrage de Bisri, d’un montant d’environ 600 millions de dollars, après la forte mobilisation de la population locale et des ONG et autres défenseurs de l’environnement, qui s’opposent à ce projet considéré comme catastrophique à tous les égards, mais qui est défendu par le gouvernement car, selon des sources libanaises, ce projet génère d’énormes sommes d’argent aux commanditaires, corrompus jusqu’à la moelle. Les opposants pointent du doigt le ministère de l’Energie et de l’Eau, qui a confié les travaux à des entreprises très douteuses, dont certaines sont poursuivies en Afrique de l’Est pour détournement d’argent public dans des projets de… barrages.

Cette petite victoire obtenue après plusieurs pétitions signés par des dizaines de milliers de Libanais, n’est pas définitive, selon des proches du Courant Patriotique Libre (CPL), qui a proposé ce projet contre vents et marées. Mais l’enveloppe déjà prévue sera utilisée pour atténuer la crise économique au Liban. Mais les promoteurs du projet affirme qu’il sera construit au détriment du bon sens, et ses opposants affirment de leur côté que les bulldozers devront leur passer sur le corps pour y accéder.

Les promoteurs de ce barrage affirment qu’il est prévu pour augmenter l’approvisionnement en eau du pays, et plus particulièrement dans les zones du Grand Beyrouth et du Mont Liban. Le projet est financé par la Banque mondiale, avec 474 millions de dollars, la Banque islamique de développement, avec 128 millions de dollars et le gouvernement libanais lui-même, avec 15 millions. Le barrage de Bisri est situé à 35 km au sud de Beyrouth, dans la vallée qui porte son nom, un lieu qui recèle de vestiges historiques, de ruines romaines et grecques, et contient l’une des vallées les plus fertiles de la région. Dans son périmètre, menacé d’être noyé, vivent 460.000 habitants, avec moins de 4 dollars par jour.

Sujet de toutes les polémiques, le ministre de l’Energie et de l’Eau affirme que ce barrage il bénéficiera à 1,6 million de Libanais (en eau potable). Car sa capacité sera de 125 millions de mètres cubes. Les travaux ont obtenu le feu vert fin septembre 2014, pour être achevés le 30 juin 2024. Mais ils ont été interrompus à plusieurs reprises, notamment sous la pression des habitants, farouchement hostiles. Début avril 2020, le gouvernement a accepté un prêt de la Banque mondiale d’environ 600 millions de dollars,et le ministre de l’Énergie et de l’Eau, Raymond Ghajar, met en garde contre l’abandon du projet qui induirait des frais supplémentaires (dommages pour rupture de contrats), car 320 millions de dollars ont déjà été versés.

Quels uns des arbres centenaires déjà abattus malgré les protestations de la population.

Cependant, le projet rencontre une forte opposition. Les riverains, mais aussi les groupes de la société civile déplorent que le barrage va détruire des milliers d’arbres, dont certains ont, âgées de plus de 800 ans, ont été abattus, des terres agricoles et des sites archéologiques. Par conséquent, selon les rapports de la Banque mondiale, daté du 16 avril, avant de poursuivre les travaux, il est nécessaire d’engager un dialogue « transparent » avec les citoyens opposés à la construction du projet, qui implique principalement le gouvernement de Beyrouth. Ses opposants ajoutent également que l’édifice est prévu dans une zone à forte activité sismique, et menacerait de ce fait toute la région en amont, en cas de rupture.

La belle vallée de Bisri menacée de disparaître sous les eaux.

Les activistes de la société civile se mobilisent sur les réseaux sociaux pour mettre un terme définitif à ce projet et promettent que dès la fin du confinement lié à la crise sanitaire, les révolutionnaires, contraints par la force de se replier du centre-ville de Beyrouth, leur mobilisation sera encore plus déterminée. Il est vrai que les conditions qui ont poussé les Libanais à se révolter le 17 octobre dernier, se sont davantage dégradées, avec un risque sérieux de faillite de l’Etat qui entraînerait dans sa chute les banques et les avoirs des épargnants. Ainsi, tous les ingrédients d’une nouvelle révolution populaire sont réunis et tous les indicateurs virent au rouge.

Léa P.

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