Les Libanais accepteront-ils que leur pays soit livré à l’Iran?

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Le chef du Majliss iranien (conseil consultatif) Ali Larijani, effectue une visite officielle au Liban à la tête d’une importante délégation et propose l’aide de la République islamique au Pays du Cèdre. Cette visite intervient au lendemain de l’inauguration de la statue de Qassem Soleimani à la frontière israélienne et atteste des ambitions iraniennes d’étendre l’Empire perse jusqu’à la Méditerranée.

Michel Aoun reçoit Ali Larijani, qui salue « le Liban résistant »: L’Iran est prêt à aider le Liban économiquement et financièrement et propose ses services pour développer l’industrie et l’agriculture.

Si l’Iran, asphyxié par les sanctions internationales, propose son aide financière et militaire au Liban, c’est que ce dernier est réellement ruiné, et parce qu’il intéresse la République islamique d’Iran dont les ambitions avouées portent sur la restauration de l’Empire perse allant de la Caspienne jusqu’à la Méditerranée. Pour y parvenir, l’Iran tente de renforcer son emprise sur l’Irak, depuis la chute de Saddam Hussein, sur la Syrie où il déploie les milices chiites et sur le Liban où il dispose de son bras armé extérieur, le Hezbollah.

Pour en arriver là, un travail de sabotage systématique a été mené par le Hezbollah et le général Michel Aoun depuis le retour de ce dernier de son exil, en 2005. Après le retrait de l’occupation syrienne, consécutif à l’assassinat de Rafic Hariri, Emile Lahoud a arrêté les poursuites judiciaires contre Aoun, lui permettant de rentrer au Liban et de s’allier au Hezbollah. Ils ont scellé cette alliance le 6 février 2006 à l’église Saint Michel de Chiyah.

"L'alliance stratégique" entre Aoun et Nasrallah, signée le 6 février 2006, a octroyé au Hezbollah une couverture chrétienne, en échange de son soutien à Aoun pour accéder à la présidence de la République.

Aoun s’est ensuite réconcilié avec Assad et a effectué plusieurs visites en Syrie (Damas, Brad), puis à Téhéran et a contribué, avec le Hezbollah, à bloquer le Liban à plusieurs reprises. Ils l’ont paralysé entre 2006 et 2008 pour empêcher le Tribunal international d’enquêter dans l’assassinat de Hariri et d’inculper des « terroristes » du Hezbollah érigés en « saints » par Hassan Nasrallah. Ils ont empêché la formation d’un gouvernement, pendant des mois, pour imposer Gebran Bassil au ministère de l’Energie. Puis ils ont bloqué le pays entre 2014 et 2016 pour imposer Aoun à la présidence de la République.

Aoun soutient Assad en lui fournissant carburants et dollars au détriment du Liban, et en défendant sa réhabilitation à la Ligue arabe. Une visite à Damas n’est pas exclue dans les prochaines semaines.

Au-delà des blocages politiques, le Courant Patriotique Libre a conduit une politique économique qui a ruiné le pays. Depuis 2008, il a accéléré le pourrissement du secteur électrique, notamment, qui a englouti 40 milliards de dollars sans résultat. L’objectif inavoué était d’importer le courant de Syrie. A l’époque, l’Iran avait l’ambition de relier l’Irak, la Syrie et le Liban à son réseau électrique, aux côtés du projet de connexion pétrolière et gazière baptisé « gazoduc islamique » (Iran-Irak-Syrie-Liban). Mais la guerre en Syrie a fait avorter ce projet. Aujourd’hui, la faillite d’Electricité du Liban a entraîné celle du Liban, dont la dette publique est de l’ordre de 155% du PIB, avec un service de la dette de 5 à 6 milliards de dollars par an, et un déficit commercial de 16 milliards de dollars par an. L’effondrement du système bancaire et la chute de la Livre face au dollar ont contraint le Liban à demander l’assistance du FMI. Mais le Hezbollah s’oppose aux conditions qui seront naturellement imposées par le FMI, dont la disparition du même Hezbollah, condition indispensable au retour de la confiance. De ce fait, le Liban devient une proie facile et l’Iran saisit l’occasion pour proposer son aide.

Depuis plusieurs mois déjà, le Hezbollah importe clandestinement des marchandises iraniennes, dont des médicaments non-homologués par le ministère libanais de la Santé. Il inonde le marché de produits alimentaires, en toute quiétude, sans même payer les droits de douanes ni respecter les normes de sécurité alimentaire.

La visite de Larijani et ses propositions visent ainsi à officialiser l’ouverture du marché libanais aux produits iraniens au moment où le Liban hésite à accepter le traitement de choc que lui préconisera le FMI. Se tournera-t-il définitivement vers l’Iran désargenté pour éviter le naufrage? Les Libanais accepteront-ils d’être ainsi livrés à la République islamique d’Iran? Rien n’est moins sûr.

Des appels à la démission du président Michel Aoun se font entendre. Il lui est reproché, ainsi qu’à son Courant Patriotique Libre, d’accélérer la ruine du pays et la violation de la Constitution. Il a naturalisé plusieurs argentiers du régime syrien pour leur permettre d’échapper aux sanctions. Il a toléré les transferts de plusieurs milliards de dollars vers la Syrie, depuis l’été dernier, et plusieurs autres milliards vers des paradis fiscaux. Ils ont empêché la fermeture des frontières avec la Syrie en 2012, réclamée par les souverainistes pour limiter l’afflux des réfugiés, car la fermeture des frontières allait empêcher le Hezbollah de se déployer en Syrie, d’y défendre le régime et de lui fournir carburants et dollars… Le président Aoun, le CPL et le Hezbollah sont les responsables de la banqueroute annoncée, affirment les Libanais, et ils doivent rendre des comptes.