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Iran : après la guerre avec Israël, Pezeshkian face au dilemme entre réformes et répression

(Rome, 26 août 2025). Sous la façade des promesses de réformes, Téhéran renforce sa poigne de fer. Entre ambitions du président iranien, conservateurs en embuscade et succession post-Khamenei, l’Iran s’avance sur une ligne de crête où chaque faux pas pourrait plonger le régime dans le chaos. Entre pragmatistes et ultras, la République islamique est en guerre froide interne. Massoud Pezeshkian joue les équilibristes, mais la machine conservatrice verrouille l’État, déterminée à étouffer toute ouverture

Éclipsées par les évolutions diplomatiques autour de l’Ukraine, les affaires iraniennes ont été réduites au silence, et ce silence ne rend pas justice à une faiblesse théocratique aujourd’hui flagrante.

Ce à quoi nous assistons ne semble pas avoir été généré par la tempête de feu de l’armée de l’air israélienne qui a duré 12 jours, mais provient d’un état préexistant qui a trouvé une occasion pour se manifester, écrit Gino Lanzara dans le portail «Difesa Online».

Le Front réformateur, ce n’est pas un hasard, a fait connaître ces dernières semaines son intention d’obtenir des changements substantiels, aussi bien en politique intérieure qu’extérieur, notamment la reprise des négociations avec Washington et, surtout, l’éviction des Pasdaran des postes de pouvoir.

Ces évolutions ne devraient pas être particulièrement surprenantes, car elles reflètent les frictions persistantes entre conservateurs radicaux et réformistes pragmatiques, deux camps loin d’être homogènes.

Le pragmatisme, surtout après les attaques israéliennes, pousse à un changement qui se concrétise comme un modèle d’avenir, prenant en compte la nécessité de résoudre la crise économique tout en attisant un sentiment nationaliste latent.

Compte tenu de l’ère post-Khamenei qui se profile, inévitablement marquée par l’âge et le temps, et de la volonté du Front réformateur de sortir de sa marginalisation politique, rien n’était plus prévisible que la réaction des conservateurs, qui a lancé des accusations explicites de soumission à la politique occidentale.

Malgré l’importance incontestable des prises de position, des doutes subsistent quant à leur capacité à modifier l’équilibre du pouvoir, les institutions restant l’apanage des conservateurs ; de toute évidence, dans un contexte plus large, l’influence politique que peut exercer le président Pezeshkian ne peut être négligée. Celle-ci est contrebalancée par la nomination du conservateur pragmatique Ali Larijani au poste de secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale, avec pour mission de préserver l’ordre déjà établi.

Il semble clair que Pezeshkian, un outsider succédant à l’ère Raïssi, doit s’accommoder du rôle extrêmement inconfortable de «moindre mal», face à Saïd Jalili, représentant de Khamenei au sein du Conseil suprême de sécurité nationale et figure de la faction ultra-radicale.

Même parmi les penseurs pragmatiques et les partisans du président, de sérieuses réserves ont été exprimées quant aux positions du Front, perçue par certains comme un affaiblissement potentiel du président, notamment dans une période d’après-guerre particulièrement difficile, malgré les déclarations circonstancielles.

Khamenei a œuvré pour maintenir le contrôle du Parlement aux mains des conservateurs, liés aux intérêts de l’État profond, freinant ainsi la montée des radicaux cherchant à défier son autorité.

Ce qui illustre la complexité du contexte, c’est la politique du gouvernement visant à apaiser les tensions entre un pouvoir perçu comme distant d’une population toujours prête à de nouvelles contestations, notamment dans les régions kurdes et baloutches.

Ce n’est pas un hasard si le Conseil de sécurité a suspendu deux mesures : un durcissement des sanctions pour non-respect du code vestimentaire islamique pour les femmes, et des restrictions de l’utilisation des réseaux sociaux.

Toutefois, la répression n’a pas diminué, mais s’est intensifiée après la guerre. Tout comme aucune ouverture n’a été donnée sur un éventuel changement concernant la place du Guide suprême ou des pasdarans, ni sur une nouvelle ligne en politique étrangère, compte tenu des réticences quant aux négociations avec les États-Unis sur la question nucléaire et sur la loyauté envers les alliés de l’«Axe de la Résistance».

La guerre avec Israël a effectivement déclenché un nouveau débat sur les «leçons apprises», reflétant les luttes internes pour le pouvoir et exacerbant les fractures. Celles-ci qui persisteront jusqu’à ce que les lignes institutionnelles soient modifiées, à moins que l’on prenne au sérieux les analyses prédisant un Iran plongé dans un chaos stratégique et une déstabilisation majeure.

Un changement de régime en Iran n’est pas qu’une hypothèse géopolitique, mais aussi une conséquence de frictions entre puissances mondiales, de dynamiques régionales et du risque d’un effondrement, synonyme de chaos plutôt que de liberté.

À noter que les deux principales forces d’opposition agissent depuis l’étranger : aux États-Unis avec Reza Pahlavi, dernier héritier monarchique, et en Albanie avec le «MEK» (Moudjahidine-e Khalq) dirigé par Massoud et Maryam Rajawi. Ces deux groupes souffrant d’un manque de légitimité, le premier par  son ancrage monarchiste et le second pour ses liens passés avec l’Irak dans les années 1980.

Pris entre le risque de devenir un nouveau Mohammed Moussadegh national et la pression (entre autres) des Pasdaran, la tâche de Pezeshkian s’annonce plus qu’ardue.

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