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Vols mystérieux entre la Chine et l’Iran : les dessous d’un trafic discret

(Rome, 19 juin 2025). Trois avions cargos chinois ont été repérés survolant Téhéran. Que transportaient-ils ? Que faisaient-ils dans cette zone alors qu’une guerre est en cours ?

L’image de Flightradar24 est emblématique : une ligne violette suit la trajectoire d’un avion-cargo au départ de Chine et survolant l’Iran. C’est le seul appareil qui, à ce moment précis (le lendemain de l’attaque israélienne contre Téhéran) transite dans une région devenue interdite à l’aviation en raison de la guerre qui venait de commencer. Était-ce une coïncidence ? Cela ne semble pas être le cas, puisque dans les deux jours qui ont suivi le premier signalement, deux autres avions chinois ont été observés.

Les données recueillies ont révélé un fait intriguant : chaque avion avait survolé la côte nord de la Chine vers l’ouest, traversé le Kazakhstan, puis s’est dirigé vers le sud, en Ouzbékistan et au Turkménistan, avant de disparaître des radars à l’approche de l’Iran. Pour compliquer encore les choses, les plans de vol des avions indiquaient le Luxembourg comme destination finale. Cependant, les appareils chinois n’ont jamais survolé le ciel européen, nous explique Federico Giuliani dans le quotidien italien «Il Giornale

Le mystère des avions chinois

Petit rappel : vendredi, au lendemain même de l’attaque israélienne contre l’Iran, un avion-cargo a décollé de Chine. Le jour suivant, un deuxième avion a décollé d’une ville côtière chinoise. Lundi, un troisième a décollé, cette fois de Shanghai : trois vols en trois jours.

Et ce n’est pas tout. Comme le souligne le Telegraph, des experts aéronautiques ont fait remarqué que le type d’avion utilisé, un Boeing 747 cargo, est un appareil couramment utilisé pour transporter du matériel militaire et des armes, et affrété pour honorer des commandes gouvernementales. «Ces cargaisons attirent naturellement l’attention, car on s’attend à ce que la Chine fasse quelque chose pour aider l’Iran», explique Andrea Ghiselli, professeur à l’Université d’Exeter, spécialiste des relations de la Chine avec le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

Que se passe-t-il ? Que transportaient ces avions chinois ? Impossible de le dire avec certitude. Bien sûr, l’Iran et la Chine sont deux pays partenaires. Et encore une fois : récemment, certaines entreprises chinoises ont expédié des fournitures à l’Iran malgré les critiques internationales, par exemple en expédiant des milliers de tonnes de matériaux destinés à la construction de missiles balistiques. Bien que «la probabilité que Pékin envoie ouvertement du matériel de défense à Téhéran reste faible», cette possibilité «ne doit pas être écartée et mérite d’être surveillée de près», a déclaré Tuvia Gering, analyste à l’Institut israélien d’études de sécurité nationale.

Les hypothèses possibles

Ces avions transportaient-ils des armes vers Téhéran ? Sauf inspection indépendante, il est impossible de savoir au sol ce qu’ils transportaient. Il est vrai que lors de vols ultérieurs, certains des appareils mentionnés semblaient avoir décollé plus ou moins de la même zone, le long de la frontière entre le Turkménistan et l’Iran, en direction du Luxembourg. Tuvia Gering précise néanmoins qu’il existe des vols cargos réguliers, opérés par une compagnie basée au Luxembourg, reliant plusieurs villes chinoises à l’Europe, avec une escale au Turkménistan (à quelques dizaines de kilomètres de la frontière iranienne). Alors, quel est le lien avec l’Iran ? Certains sites de suivi de vols perdraient le signal peu avant l’atterrissage et continueraient d’afficher une trajectoire estimée qui semblerait pénétrer dans l’espace aérien iranien.

«Ces sites, conclut l’expert, indiquent clairement qu’il s’agit d’une route estimée ; en vérifiant les numéros d’immatriculation des avions, on constate qu’ils repartent du Turkménistan quelques heures plus tard, et en consultant l’historique de ces vols, on constate qu’ils atterrissent toujours à Achgabat et ne poursuivent jamais vers l’Iran».

Un officier français nous explique qu’«au cœur d’une zone de tensions internationales, Pékin et Téhéran semblent renforcer leur coopération à travers des liaisons aériennes discrètes, échappant à la surveillance classique». Et l’officier d’ajouter : «ces vols pourraient transporter du matériel militaire, technologique ou stratégique, dans le cadre d’accords bilatéraux non déclarés. Tandis que la communauté internationale s’inquiète de possibles violations d’embargos, les deux pays maintiennent un silence opaque sur la nature exacte de ces échanges». «Une observation qui met en lumière une guerre de l’ombre à haute altitude», a-t-il conclu.

Tout cela, bien sûr, sans tenir compte de la logique évidente selon laquelle il serait hautement improbable qu’une grande compagnie de fret européenne serve de canal pour un hypothétique transfert de la Chine vers l’Iran d’armes stratégiques ultra-perfectionnées et top-secrètes.

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