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Etats-Unis-Iran : les pourparlers s’intensifient, tandis que le sultan d’Oman se rend à Moscou

(Rome, 20 avril 2025). Quatre heures de négociations pour ouvrir la voie à des discussions «techniques» où, au-delà de l’aspect politique, on entre concrètement dans le processus de détente entre les Etats-Unis et l’Iran, avec en perspective une convergence sur les questions nucléaires. Les négociations menées à Rome sous la médiation d’Oman ont connu une accélération significative, à tel point que la semaine prochaine, les pourparlers reprendront à Mascate, pour passer à un stade pleinement opérationnel, rapporte Andrea Muratore dans son décryptage dans «Inside Over».

On passe donc aux choses sérieuses. Et comme l’a déclaré le ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi, l’échange entre sa délégation, celle des États-Unis dirigée par l’émissaire spécial Steve Witkoff, et le médiateur omanais, coordonné par le ministre des Affaires étrangères Badr Albusaidi, a été «constructif et tourné vers l’avenir». Entre mercredi et samedi, des discussions techniques sont prévues en Oman.

Les négociations entre les États-Unis et l’Iran avancent à grands pas

De nombreuses questions sensibles doivent maintenant être éclaircies : dans quelle mesure les États-Unis permettront-ils à l’Iran de maintenir un programme nucléaire à des fins civiles ? Quelle sera la proportion d’enrichissement d’uranium autorisée à la République islamique ? Sera-t-elle similaire au seuil de 3,67 % fixé par l’accord de 2015 ? Comment les autorités politiques et scientifiques établiront-elles un canal de dialogue ? Et comment cette phase de négociation s’articulera-t-elle avec un éventuel processus de levée des sanctions internationales, qu’elles soient en vigueur ou suspendues ?

A lire : L’Iran et les États-Unis coordonnent à Rome l’agenda des pourparlers sur le nucléaire

Le spectre du «snapback», le mécanisme de réimposition des sanctions, suspendu par le Plan d’action global commun (JCPOA) de 2015, et qui expirera à la fin de cette année, plane sur Téhéran. Alireza Talakoubnejad, journaliste et analyste iranien, a souligné dans un post sur X la «vitesse stupéfiante» des négociations que mènent l’administration Trump et le gouvernement iranien de Massoud Pezeshkian. A titre de comparaison, il a fallu trois ans et trois lettres de Barack Obama à l’ayatollah Ali Khamenei de 2009 à 2012 pour amorcer un dialogue sur le JCPOA ; à l’époque, Téhéran et Washington «se rencontraient une fois par mois, contre une fois par semaine aujourd’hui».

Le directeur de l’Observatoire des pays arabes et associé chez «Forward Global» (Paris), Antoine Basbous, écrit dans «Le Figaro» : Négocier avec un adversaire désarmé en pointant un pistolet sur sa tempe, c’est l’inviter à une reddition sans conditions. Il semble que nous assistions à ce scénario entre Donald Trump et le régime des mollahs iraniens. En 2018, Trump avait déchiré l’accord international sur le nucléaire iranien approuvé par son prédécesseur, puis fait exécuter en 2020 le général Qassem Soleimani, architecte de l’expansion régionale de l’Iran et concepteur de son «axe de la résistance» chargé d’étrangler Israël et qui a culminé avec l’attaque du 7 octobre 2023. Désormais, avec des bombardiers furtifs B2 déployés à Diego Garcia et deux porte-avions dépêchés sur zone, Trump ne laissera plus à l’Iran l’opportunité de ruser pour gagner du temps et attendre l’arrivée d’un successeur plus clément à la Maison Blanche. Le régime de Téhéran est sommé de choisir entre la soumission et la destruction.

L’attention portée au risque de sabotage israélien

Cette accélération peut être attribuée à la fois à des détails techniques précis ainsi qu’à d’autres variables diplomatiques et géopolitiques. Sur le plan opérationnel, Téhéran et Washington ont tiré la leçon de l’accord de 2015, en gardant en mémoire les efforts consentis pour un pacte finalement dénoncé par Trump en 2018, et connaissent donc les voies optimales à emprunter ainsi que les points sensibles.

Par ailleurs, les deux parties doivent impérativement avancer pour ne pas se retrouver bloquées dans un contexte international extrêmement tendu. Premier obstacle prévisible : l’opposition farouche d’Israël. Benyamin Netanyahu, comme en 2015, est en première ligne pour saboter toute éventuelle entente jugée favorable aux ayatollahs. Deuxième point : un alignement politique plus favorable au Moyen-Orient, marqué par la détente entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, le recul du monde arabe sur l’approche du «containment» dur envers Téhéran, et une perception amoindrie de la menace que représente la puissance chiite, tout cela rendant l’accord plus désirable. Enfin, il faudra évaluer le rôle de la Russie, acteur discret mais potentiellement influent de la négociation.

La Russie face au triangle États-Unis-Iran-Oman sur le nucléaire

En 2015, Moscou avait œuvré en faveur de l’accord. Aujourd’hui, il est probable que les négociations Iran-USA-Oman sur le nucléaire et les pourparlers russo-américaines initiées autour de l’Ukraine et de la guerre qui ensanglante l’Europe de l’Est depuis 2022 puissent finir par converger vers une seule et même discussion.

Une convergence géopolitique ambitieuse, visant à harmoniser les positions sur plusieurs fronts, à rendre «prévisibles» les relations entre les deux premières puissances atomiques de la planète (un terme cher à Vladimir Poutine) et à stabiliser davantage de théâtres avec un seul et même processus de négociation. Un défi ambitieux, mais qui pourrait bien être la seule perspective réaliste d’un dialogue d’envergure, qui ne saurait se limiter à une seule région géographique, aussi importante soit-elle, comme l’Europe de l’Est.

«La Russie pourrait jouer un rôle clé dans un accord sur l’avenir du programme nucléaire iranien, Moscou étant désigné non seulement comme une destination potentielle des stocks d’uranium hautement enrichi de l’Iran, mais aussi comme un éventuel arbitre en cas de violation de l’accord», a suggéré le «Guardian». Pendant ce temps, le sultan d’Oman Haïtham Ben Tareq al-Saïd, est attendu à Moscou pour une rencontre au Kremlin avec Poutine ce lundi. Les pièces du puzzle commencent peu à peu à s’assembler vers une négociation à grande échelle.

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