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Le «Grand Jeu» de Moscou traverse une phase difficile. Les craintes du Kremlin

(Rome, Paris, 10 février 2025). Un document du gouvernement russe obtenu par le Financial Times révèle un plan à long terme visant à créer un bloc eurasien pour s’opposer aux États-Unis, à l’UE et à la Chine. Un plan qui doit faire face à un Occident qui est tout sauf collaboratif

Dans le cadre de ses efforts diplomatiques visant à se rapprocher des pays dits «de l’étranger proche», terme utilisé pour désigner les États ex-soviétiques, ainsi que son ambition de renforcer les liens politico-économiques avec les pays du Sud global, le Kremlin doit composer avec des pressions occidentales susceptibles d’influencer de manière significative ses efforts. L’effet combiné des sanctions imposées à la Fédération de Russie suite au déclenchement du conflit en Ukraine et des appels de l’Occident aux pays concernés à renforcer la coopération économique semble avoir suscité l’appréhension au sein de la nomenklatura moscovite. Cette question aurait été discutée lors d’une réunion tenue en avril de l’année dernière, comme le rapporte Lorenzo Piccioli dans le quotidien «Formiche.net».

C’est ce qu’atteste la fuite d’un document gouvernemental obtenu par le Financial Times. Ce document, utilisé lors de la réunion en question, a été présenté par le Premier ministre Mikhaïl Michoustine à plusieurs dizaines de hauts fonctionnaires du gouvernement et de cadres supérieurs de certaines des plus grandes entreprises publiques russes, ainsi qu’à des personnalités éminentes du monde politique russe telles que Sergueï Karaganov ou Alexandre Douguine.

Le document indique clairement que l’objectif de Moscou est de restaurer son accès au réseau commercial mondial en établissant un bloc commercial eurasien centré sur la Russie, afin de rivaliser avec les sphères d’influence économique des États-Unis, de l’Union européenne et de la Chine. Cette structure permettrait à la Russie de se connecter au Sud global, en offrant à chaque partie un accès aux matières premières, en développant des liens financiers et de transport, et en les unissant à travers une «vision commune du monde […]. L’ambition affichée est de rédiger les règles du nouveau monde [et d’avoir] notre propre politique de sanctions». La création de ce bloc (ou «macro-région», selon le terme employé dans le document en question) est considérée comme un important projet à long terme, dont l’horizon temporel s’étend bien au-delà de celui de la question ukrainienne.

Mais les ingérences occidentales auraientt un impact loin d’être négligeable sur le développement de ce projet. Il suffit de penser à ce qui a été fait avec les pays d’Asie centrale, auxquels un accès aux marchés mondiaux, aux corridors de transport et aux chaînes d’approvisionnement contournant Moscou a été offert, afin de les inciter à respecter le régime de sanctions imposé à la Russie.

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Parallèlement, comme le souligne le rapport, les pays les plus proches de Moscou ont tiré profit des sanctions en éloignant les entreprises russes hors de leur juridiction nationale, en prenant le contrôle des flux d’importation et d’exportation et en délocalisant la production hors de Russie. Les pays d’Asie centrale les plus conciliants avec le Kremlin ont néanmoins cherché à obtenir des avantages supplémentaires pour compenser les risques de violation des sanctions. Par ailleurs, la situation de vulnérabilité relative de Moscou a poussé certains de ces acteurs à se rapprocher d’autres blocs régionaux, comme l’Organisation des États turciques.

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Le rapport affirme que la Russie devra fournir des efforts considérables pour maintenir les pays d’Asie centrale dans son orbite. Moscou devra insister sur leur histoire commune, tout en respectant leur indépendance. Et il reconnait que «des relations étroites avec un pays [comme la Russie] seront une source de difficultés». Et de conclure que les pays en question devront «prendre une décision quant à leur position vis-à-vis de la Russie».

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