(19 décembre 2024). Après la chute de la dynastie alaouite, des tombes ont été découvertes où étaient enterrées des centaines de milliers de victimes du «boucher de Damas»
Le terrible décompte des morts du régime syrien de Bachar al-Assad a déjà commencé. Selon les estimations «prudentes» communiquées à Reuters par l’organisation «Syrian Emergency Task Force» (SETF), au moins 100 mille cadavres ont été entassés dans une seule fosse commune par les hommes du «boucher de Damas». Un chiffre qui, aussi horrible soit-il, n’est peut-être pas comparable à la découverte d’autres charniers et au bilan des massacres perpétrés par la dynastie alaouite en plus de 50 ans de pouvoir, écrit Valerio Chiapparino dans «Il Giornale».
Mouaz Moustafa, chef de SETF, confirme que la fosse des horreurs se trouverait à al-Qoutayfa, une localité située à une quarantaine de kilomètres de la capitale, et contiendrait non seulement des victimes syriennes mais aussi des ressortissants étrangers (dont plus de 500 libanais, affirment plusieurs ONG). Moustafa affirme que les renseignements de l’armée de l’air syrienne étaient «chargés de transporter les cadavres des hôpitaux militaires» vers d’autres sites gérés par les forces de sécurité, avant de les transférer dans des fosses communes. Le chef de SETF affirme avoir identifié cinq charniers au fil des années, mais d’autres estimations indiquent que le nombre total serait plus élevé : peut-être 13, dont huit près de Damas.
La BBC rapporte que plus de 100.000 personnes ont disparu en Syrie depuis 2011, année du début de la révolution. Selon les organisations de défense des droits de l’Homme, la plupart d’entre elles sont mortes et de nombreuses autres ont été torturées à mort par les geôliers du dictateur. Le groupe de secours des Casques blancs rapporte qu’après leur entrée dans les prisons syriennes, les traces de plus de 150.000 personnes ont été perdues.
Les ONG expliquent qu’avant d’ouvrir les charniers, il est nécessaire de documenter, de prélever des échantillons et d’attribuer un code à chaque corps trouvé afin que l’on puisse, espérons-le, procéder à leur identification. L’ancien ambassadeur américain pour les crimes de guerre, Stephen Rapp, qui s’est rendu dans certains sites où seraient enterrées des dizaines de milliers de victimes, envisage de rencontrer le gouvernement de transition pour discuter des procédures à suivre afin de mettre en lumière les crimes commis par le régime.
Mohammed al-Joulani, chef de l’ex-organisation «Hayat Tahrir al-Cham» (HTC) qui a renversé le tyran, a déclaré qu’il entendait traquer les hommes du régime qui ont pris part aux meurtres et aux tortures. «Nous les poursuivrons en Syrie et demanderons aux autres pays de nous renvoyer ceux qui ont fui pour que nous puissions obtenir justice», déclare al-Joulani qui a abandonné son nom de guerre et a commencé à utiliser son vrai nom, Ahmed al-Charaa.
Les crimes des Assad (père et fils) sont sans fin. Parmi les diverses atrocités commises, Hafez, le chef de la dynastie, a réprimé dans le sang une révolte de militants sunnites à Hama en 1982, faisant plus de 40.000 victimes. Son fils Bachar l’a surpassé en brutalité en massacrant environ un demi-million de personnes pendant la guerre civile, notamment à l’aide d’armes chimiques. Andrea Nicastro, correspondant du quotidien «Corriere della Sera» à Damas, rapporte que certains habitants d’un quartier d’al-Ghouta ont rapporté que des agents de sécurité de l’ancien régime s’étaient présentés il y a un an afin de prélever des échantillons dans des fosses communes. Les victimes d’une attaque au gaz sarin ordonnée en 2013 par Assad ont été enterrées à cet endroit et selon l’un des témoignages recueillis par Nicastro, les hommes du boucher de Damas voulaient «comprendre si l’utilisation du sarin pouvait encore être établie à partir de l’analyse des restes».
Comme le souligne le journaliste du «Corriere della Sera», bien qu’elle ait toujours nié avoir commis des crimes contre son peuple, «la famille Assad le savait, tous les responsables le savaient. S’ils avaient un jour perdu le pouvoir, leurs crimes auraient pu faire l’objet d’une enquête, et eux-mêmes auraient pu être inculpés. Alors ils ont essayé de les cacher ou du moins de les nier».
Alors que les premiers responsables de l’ancien régime sont signalés, une commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie a déjà dressé une liste secrète de 4.000 criminels de guerre. Il y aurait cependant peu d’espoir de poursuivre en justice le «boucher de Damas» (appelé également «tueur en Syrie») accueilli par Moscou pour des «raisons humanitaires».