L’Iran frappé en plein cœur, mais sa réaction sera mesurée

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(Paris, Rome, 05 janvier 2024). Le principal suspect de l’attaque de Kerman est l’État islamique, mais il est possible que des groupes baloutches soient également impliqués. Implication israélienne ? Moins probable, pour Riccardo Alcaro, coordinateur du projet à l’«Institut des Affaires internationales» (IAI), mais l’opération contre Téhéran pourrait avoir été une opération complexe, le régime construisant un récit dans son propre intérêt, mais en prenant toujours soin d’éviter l’escalade vers un conflit général

Dans les prochaines heures, Téhéran pourrait fournir davantage d’informations sur ce qui s’est passé avant-hier à Kerman, où des dizaines de personnes ont été tuées dans un attentat terroriste alors qu’elles visitaient le cimetière où se trouve le mausolée de Qassem Soleimani (le général pasdaran éliminé le 3 janvier 2020 lors d’un raid aérien américain).

Qui a perpétré l’attentat le plus meurtrier de l’histoire de l’Iran ? «Je crains qu’on ne le sache jamais, même si le principal suspect est l’EI-K (acronyme de l’État islamique du Khorāsān, ndlr), le ‘modus operandi’ est conforme. Cependant, une chose ne colle pas : l’attaque d’une cible politique et symbolique comme la célébration du ‘martyre’ Soleimani semble un peu trop ciblée pour l’EI-K», explique Riccardo Alcaro, coordinateur de recherche à l’Institut des affaires internationales et expert de l’Iran, tel que rapporté par Emanuele Rossi dans «Formiche».

Il n’y aurait pas non plus de revendication, mais au moment de la rédaction de cet article, l’EI a annoncé une importante communication audio. S’agira-t-il de la tête d’affiche de l’attaque ? L’EI «aurait tout intérêt, puisque l’Iran est considéré comme un régime entaché d’hérésie», ajoute Alcaro.

Qui d’autre aurait pu perpétrer l’attentat ? Dès les premières heures qui ont suivi l’attaque, une source régionale très au fait de la dynamique iranienne a parlé de l’implication des terroristes baloutches de «Jaish al Adl» : crédible ? «Le symbolisme de l’attaque a certainement de la valeur pour eux, ainsi que pour les Baloutches et d’autres groupes sunnites présents sur le territoire, déstabiliser le pays à un moment aussi délicat peut avoir du sens, même si je ne pense pas qu’ils obtiendront quoi que ce soit si l’attaque reste isolée ».

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Il y a ensuite la possibilité de chevauchements, certaines sources locales parlent d’un croisement d’intérêts entre Baloutches et Bagdadistes. Et puis il y a la clé internationale : l’implication israélienne, également évoquée dans les premières déclarations du régime, selon laquelle l’attaque était le fait de «terroristes mercenaires soutenus par des ennemis étrangers». Israël est-il impliqué ? «Pour Israël, il s’agirait d’un coup dur porté à ceux qui voient l’Iran comme coordonnateur ou un soutien indirect de l’action du Hamas, celui du 7 octobre, également en guise de vengeance pour l’assassinat de Soleimani. Si tel est le cas, il s’agirait d’un chevauchement supplémentaire entre des groupes internes coordonnés avec l’aide d’Israël».

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Mais dans quelle mesure tout cela est-il plausible ? « Pour l’heure, cette explication ne me paraît pas très convaincante. La raison principale est que le «modus operandi» est profondément différent de ce que l’expérience historique nous apprend sur les opérations israéliennes. Bien entendu, on ne peut exclure que le 7 octobre ait provoqué un changement de paradigme chez les Israéliens, mais je reste profondément sceptique. Bien entendu, Israël pourrait en tirer profit dans le sens de rétablir une certaine dissuasion à l’égard de l’Iran et également de montrer à quel point ce dernier est vulnérable. Mais cet avantage resterait encore marginal, car il ne change pas l’orientation sous-jacente de la relation entre Israël et l’Iran, qui reste très antagoniste».

Bien que le facteur de responsabilité soit crucial pour comprendre la réaction, pouvons-nous déjà émettre une hypothèse avec les éléments dont nous disposons ? «Là aussi, je crois que nous avons plus d’incertitudes que de certitudes», répond Alcaro ; et d’expliquer : «Tout d’abord, le gouvernement n’a pas grand intérêt à indiquer immédiatement qui est le coupable (à supposer qu’il le sache) car cela mettrait L’exécutif iranien sous fortes pressions pour une réponse immédiate, et Téhéran a toujours tendance à attendre et à réagir au moment et de la manière qu’il considère comme les plus sûrs et le plus appropriés». «S’il s’agissait d’un groupe interne, on peut s’attendre à une répression dans les zones arabes ou au Baloutchistan. Au niveau régional, à mon avis, les Iraniens continueront à faire monter la tension, mais en veillant toujours à éviter une escalade vers un conflit général», conclut Riccardo Alcaro.