(Rome, Paris, 15.11.2023). Le parquet français a émis un mandat d’arrêt contre le président syrien. L’accusation porte sur les attaques chimiques survenues dans la région de la Ghouta en 2013
Les faits remontent à l’été 2013, lorsque le conflit entre les États-Unis et la Syrie risquait de prendre une tournure frontale après des informations faisant état d’attaques chimiques dans la région de la Ghouta, à l’est de Damas. Le contexte était celui de la guerre civile syrienne, alors âprement disputée entre les forces régulières sous les ordres du président Bachar Al Assad et les groupes rebelles et islamistes. Ce sont précisément ces attaques chimiques qui reviennent aujourd’hui dans l’actualité : pour ce qui s’est passé il y a dix ans, le parquet français a émis un mandat d’arrêt à l’encontre du chef de l’Etat syrien, rapporte le quotidien «Il Giornale».
L’enquête transalpine contre Assad
Selon les juges français, il n’y a pas doute : les bombardements menés à l’arme chimique dans la Ghouta sont l’œuvre d’Assad. C’est pour cette raison que le président syrien doit répondre devant la justice. Ces raids ont eu lieu dans le cadre de la bataille pour le contrôle de la région à l’est de Damas. Les rebelles avaient notamment conquis depuis plusieurs mois des villes importantes comme Douma, proche de la périphérie de la capitale syrienne.
Les bombardements aux armes non conventionnelles enregistrés dans cette zone du pays et signalés par les groupes rebelles n’ont pas affecté la dynamique de la bataille. Ils ont cependant fait un nombre indéterminé de victimes, provoquant également une vive indignation internationale. Barack Obama, alors président des Etats-Unis, a brandi la menace d’une intervention armée contre Assad en réaction aux bombardements chimiques. Mais le président syrien a toujours nié ces accusations. Dans son soutien, Assad a souligné qu’à ce stade, son armée avançait et qu’il n’était pas nécessaire de mener un raid d’une telle ampleur au risque de provoquer des réactions internationales. Par ailleurs, le président syrien a accusé à son tour les acteurs internationaux de vouloir déstabiliser la Syrie.
Il y a dix ans, la crise a été résolue grâce à la médiation de la Russie, qui à ce stade n’était pas encore directement engagée en faveur d’Assad. Le compromis a conduit au démantèlement de l’arsenal chimique aux mains de Damas. Mais de nombreuses ONG ont maintenu la pression visant à pousser la communauté internationale, malgré la version syrienne, à faire toute la lumière. Cela a conduit à l’enquête française, qui a abouti au mandat d’arrêt contre Assad.
Outre le président syrien, l’enquête implique Maher al-Assad, chef de la tristement célèbre 4e division blindée, le général Ghassan Abbas, directeur de la section 450 du Centre d’études et de recherches scientifiques syriennes (CRSS) et le général Bassam al-Hassan, conseiller aux affaires stratégiques. Selon les magistrats du parquet transalpin, ils sont les véritables responsables du massacre de la Ghouta provoqué par des raids chimiques. Une conclusion à laquelle sont parvenus les enquêteurs français après des années d’investigation sur la base de preuves apportées par un certain nombre d’organisations internationales.
Selon la presse transalpine, une source judiciaire a confirmé l’émission de quatre mandats d’arrêt pour complicité de crimes contre l’humanité et pour complicité de crimes de guerre pour ces attaques au gaz sarin, qui avaient notamment fait plus de mille morts le 21 août 2013 dans la Ghouta orientale, d’après les services de renseignement américains.
Pourquoi la demande émane-t-elle de la France ?
Si le mandat d’arrêt a été émis depuis Paris, la raison est donnée par le fait que des plaintes ont été déposées auprès du parquet français. C’est notamment le Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression (SCM) qui a porté les accusations devant la justice française, soutenu par les Archives syriennes et l’«Open Society Justice Initiative».
Le parquet transalpin a pu agir en vertu du principe de compétence extraterritoriale pour enquêter et poursuivre les crimes d’atrocités internationaux commis, dans certaines circonstances, sur un sol étranger. D’autres enquêtes sur les événements de la Ghouta, pour les mêmes raisons, sont également en cours en Allemagne et en Suède. C’est la première fois qu’un chef d’État en exercice reçoit un mandat d’arrêt d’un autre État. Le précédent cas concernant l’ancien président soudanais Omar Al Bashir concerne en effet un mandat délivré par un tribunal international.
« Cette décision constitue un précédent judiciaire historique. C’est une nouvelle victoire pour les victimes, leurs familles et les survivants, ainsi qu’un pas vers la justice et une paix durable en Syrie », a réagi dans un communiqué Mazen Darwish, fondateur et directeur général du SCM.
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