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Mandat d’arrêt contre Assad, une occasion de relire l’histoire de la Syrie

(Rome, Paris, 16.11.2023). La nouvelle intervient à un moment important pour Assad et pour l’«axe de résistance» autoproclamé, dirigé par l’Iran, auquel la Syrie appartient. Aujourd’hui, la justice française, avec sa décision, offre au monde la possibilité et peut-être la nécessité de relire l’histoire du conflit syrien, de sa transformation d’une révolte populaire et non-violente en une action armée pilotée, de l’extérieur et de l’intérieur, pour des calculs et des plans qui n’ont jamais été considérés dans leur complexité mais aussi dans leur évidence

La justice française a émis un mandat d’arrêt contre le président syrien Bachar al Assad pour crimes contre l’humanité. Une mesure similaire a été prise à l’encontre de son frère Maher al Assad. La décision de la justice française concerne également le général de brigade Ghassan Abbas, directeur de la section 450 du Centre syrien d’études et de recherches scientifiques et le général Bassam al Hassan, conseiller du président syrien pour les affaires stratégiques et officier de liaison entre la présidence et le centre de recherche scientifique syrien, nous explique Riccardo Cristiano dans les colonnes du quotidien «Formiche».

L’enquête a été ouverte sur la base d’une plainte pénale déposée par le Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression suite à l’attaque chimique d’août 2013, au gaz sarin (dont la possession par le régime a, par la suite, été documentée et reconnue) et qui a tué au moins un millier de personnes, dont de nombreuses femmes et enfants, dans la Ghouta orientale, alors contrôlée par les insurgés. Les magistrats ont entendu de nombreux témoins, dont ceux qui ont survécu au massacre. Le régime avait affirmé à l’époque que l’attaque avait été menée par les insurgés eux-mêmes.

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Cette nouvelle intervient à un moment important pour Assad et pour l’«axe de la résistance» autoproclamé, dirigé par l’Iran, auquel la Syrie appartient. En effet, Assad lui-même, lors du sommet arabe qui vient de s’achever en Arabie Saoudite, où il a été réadmis après dix ans d’expulsion, a exigé une action déterminée face aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité perpétrés à Gaza, qu’il a qualifiés d’«intolérables».

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Aux côtés d’Assad, tout au long du sanglant conflit syrien qui a commencé en 2011 et qui est d’ailleurs toujours en cours, il y a eu dès le début l’Iran et sa milice libanaise, le Hezbollah, à qui l’on impute les combats les plus féroces contre l’opposition syrienne, qui ont conduit à la mort ou la déportation d’un très grand nombre de citoyens arabes syriens, presque tous musulmans. En 2015, l’intervention de l’armée russe dans le conflit, décidée par le président Poutine, fut décisive pour la victoire militaire d’Assad.

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La guerre syrienne, que le régime a présentée comme une « guerre contre le terrorisme », a finalement fait non seulement un nombre indéterminé de victimes (pas moins de 500 mille selon les premiers calculs qui ont ensuite été abandonnés), dont beaucoup ont été torturés, mais aussi la déportation d’au moins 6 millions de Syriens et le déplacement de 4 millions d’autres citoyens dans des camps de réfugiés internes, soit un chiffre proche de 50 % de la population syrienne totale.

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La principale voix dénonçant le massacre syrien en Occident a été celle du Père jésuite italien Paolo Dall’Oglio, expulsé par le régime de Bachar al Assad en 2012 puis kidnappé en 2013 dans la ville syrienne insurgée de Raqqa par les terroristes de l’Etat islamique (EI). Tout aussi important et odieux, a été l’enlèvement, dans la zone du massacre chimique, par un groupe djihadiste, de la principale documentaliste des crimes du régime d’Assad, Mme Razan Zaitouné, fondatrice du Centre de documentation sur les violations, kidnappée à Douma avec ses trois plus proches collaborateurs. Leur enlèvement a également eu lieu en 2013.

La thèse de la « guerre contre le terrorisme » menée par le régime, qui depuis 2003 a favorisé l’afflux de combattants islamistes en Irak pour y empêcher l’action militaire américaine, bénéficie d’un large soutien dans de nombreux pays du monde.

Aujourd’hui, le pouvoir judiciaire, par sa décision, offre au monde la possibilité et peut-être la nécessité de relire l’histoire de ce conflit, de sa transformation d’un soulèvement populaire et non violent en une action armée pilotée, de l’extérieur et de l’intérieur, pour des calculs et des plans qui n’ont jamais été considérés dans leur complexité mais aussi dans leur évidence.

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La Syrie d’Assad est aujourd’hui au centre d’actions et de réactions des milices et des militaires de la part de tous ceux qui sont impliqués militairement au Moyen-Orient, comme l’a documenté, parmi les premières, l’agence ANSA ces dernières heures.

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