Des bombardiers B-2 déployés en Europe continentale: les raisons de la décision américaine

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(Paris, Rome, 01.09.2023). Le 29 août, deux bombardiers stratégiques américains B-2 « Spirit » de l’armée de l’air, appartenant à la 509e escadre de bombardiers de la base aérienne de Whiteman (Missouri), ont atterri en Norvège à l’aéroport militaire d’Orland où ils ont effectué, lors d’un arrêt rapide, un ravitaillement en carburant, tel que rapporté par le quotidien «Il Giornale/Inside Over».

C’était la première fois que l’un de ces bombardiers se posait sur le sol de l’Europe continentale, signalant, comme l’indique un communiqué de l’US Air Force, «l’engagement commun des États-Unis et de la Norvège à dissuader les menaces et à renforcer l’OTAN».

Ce ravitaillement particulier permet au B-2 d’étendre son rayon d’action tout en minimisant le temps passé au sol. En exerçant leur capacité de ravitaillement dans des lieux stratégiques, les États-Unis sont en mesure d’augmenter le potentiel de combat aérien sur l’ensemble du théâtre européen.

« Le ravitaillement ‘rapide’ en carburant apparaît comme une tactique transformatrice dans les opérations des bombardiers, promettant une plus grande polyvalence », a déclaré le général James Hecker, commandant des forces aériennes américaines en Europe et en Afrique et du Commandement aérien allié de l’OTAN. « Cette technique étend notre portée, en établissant des centres opérationnels temporaires dans des endroits stratégiquement choisis, voire imprévisibles. Ces capacités d’adaptation sont au cœur de la projection moderne de la puissance aérienne.

Les deux bombardiers arrivés, à Orland, en Norvège, une base aérienne qui est également le hub scandinave de la flotte de F-35, venaient d’Islande où, le 13 août, trois B-2 ont atterri à Keflavik, près de la capitale, en provenance directe de Whiteman.

Le déploiement en Islande des « Bomber Task Force 23-4 » est le premier sur l’île depuis 2021, date à laquelle ils se sont arrêtés pour un redéploiement qui a duré environ 18 jours, et surtout le premier du bombardier après environ 5 mois d’immobilisation suite à un accident survenu le 10 décembre 2022, lorsqu’un B-2 a été contraint d’effectuer un atterrissage d’urgence en raison d’un dysfonctionnement non spécifié qui a également provoqué un incendie à bord une fois au sol.

Ce n’est pas la première fois que ces bombardiers furtifs à ailes volantes arrivent en Islande, lorsque le 28 août 2019, un B-2 s’est arrêté à Keflavik depuis la base de Fairford Royal Air Force, toujours pour un «rapide» ravitaillement.

Ce type particulier de transfert de carburant s’effectue au sol en maintenant les moteurs de l’avion en marche, lui permettant ainsi de passer moins de temps au stationnement (et donc d’augmenter la durée du vol), car il élimine toutes les procédures de sécurité liées à la remise en marche des propulseurs.

Les missions du « Bomber Task Force » sont effectuées périodiquement, plusieurs fois par an, par des unités de l’armée de l’air des Etats-Unis, utilisant des bombardiers stratégiques et servent à intégrer les avions et les capacités américains et des pays alliés, mais également à démontrer une capacité de dissuasion stratégique.

L’utilisation de Keflavik, et plus encore de l’aéroport norvégien d’Orland, permet à un bombardier à long rayon d’action de pénétrer largement dans la région arctique, qui est depuis longtemps devenue un autre front chaud dans la confrontation entre l’OTAN et la Russie.

L’arrivée des B-2 en Islande a déclenché une réaction quasi immédiate de la Russie qui a envoyé deux avions de patrouille maritime à long rayon d’action Tupolev Tu-142 pour sonder les défenses de l’Alliance le long de Giuk Gap (Groenland, Islande, United Kingdom Gap), qui est le passage air-mer obligatoire entre les mers arctiques et l’océan Atlantique Nord. Les deux Tu-142, en l’occurrence un Bear-F et un Bear-J (selon le code OTAN), ont été interceptés par des Typhoons de la RAF alors qu’ils transitaient au nord des îles Shetland dans le nord d’Adiz (la zone d’identification de défense aérienne) du Royaume-Uni et dans la zone de la police de l’air du Nord de l’OTAN.

Toujours en Islande, dans le cadre du renforcement du front nord de l’Alliance, les États-Unis ont depuis longtemps repris le déploiement de manière permanente des patrouilleurs maritimes anti-sous-marins P-8 « Poséidon » et ont parallèlement renforcé leur coopération avec la Norvège, qui a également vu s’améliorer l’infrastructure du port de Tromsoe, une petite ville située à environ 300 kilomètres au nord du cercle polaire arctique, qui a été élargie pour en faire un centre capable d’accueillir des sous-marins nucléaires d’assaut américains, pouvant ainsi opérer dans un bras de mer stratégique situé à une courte distance du « repaire » des unités sous-marines russes, à savoir les bases de Mourmansk/Poljarnyj sur la péninsule de Kola.

Moscou a des intérêts vitaux dans l’Arctique qui concernent non seulement les ressources minérales qui s’y trouvent (hydrocarbures et métaux situés sur le plateau continental), mais aussi des intérêts militaires : l’océan Arctique est un « bastion » où patrouillent les sous-marins nucléaires lance-missiles du « Voenno-Morskoj Flot », prêt à recevoir l’ordre d’attaque atomique du Kremlin en cas de crise irrémédiable.