Des Roumains aux Français, les brigades en Afrique qui se partagent les affaires (y compris Choïgou)

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(Rome, Paris, 26.08.2023). Les dirigeants des États africains, qu’ils soient petits ou grands, n’ont que l’embarras du choix

Peu de gens savent que le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, grand ennemi de Prigozhin, peut aussi compter sur sa propre armée privée, baptisée «Patriote», qui a perdu de justesse le contrat de protection des mines d’or de la République Centrafricaine, battue par le Groupe Wagner de l’ex-cuisinier de Poutine. Maintenant que Prigozhin est mort (du moins en apparence), «Patriote» fait partie des dizaines de «Compagnie private militari» (CPM), ou sociétés militaires privées, qui se démènent pour se partager les restes de Wagner, en engageant ses mercenaires à la recherche d’un nouveau maître.

Les dirigeants des États africains, petits ou grands, n’ont que l’embarras du choix, car il existe déjà des dizaines de groupes paramilitaires opérant d’un bout à l’autre du continent, alors que personne n’est jusqu’à présent parvenu à créer, d’une part, un mécanisme de sécurité aussi efficace, et de l’autre, la gestion des ressources naturelles en guise de compensation, tel que rapporté par Marco Ventura, dans les colonnes du quotidien «Il Mattino». Un modèle de business que tout le monde veut imiter, et éventuellement, leremplacer. Certains font remonter l’histoire des mercenaires russes en Afrique à une réunion à huis clos, entre un ancien officier des forces spéciales sud-africaines de l’époque de l’apartheid, Eben Barlow, fondateur d’une entreprise privée, et des responsables du ministère russe de la Défense en 2010 à Saint-Pétersbourg, la ville natale de Poutine et de Prigozhin. Barlow a expliqué comment les sociétés de mercenaires russes pénétreraient en Afrique. L’autre inspirateur de Prigozhin est, paradoxalement, un Américain, un ancien membre des Forces spéciales de l’US Navy, Erik Prince, de l’Académie navale, une incarnation de la tristement célèbre Blackwater irakienne, liée à la CIA et financée par les Emirats. Prince a combattu des pirates de la Corne de l’Afrique tout en entraînant la Force maritime du Puntland, en Somalie.

Avec une autre marque, le « Frontier Services Group », basé à Hong Kong, a protégé les intérêts chinois en Afrique les armes à la main et, avec un ancien pilote de chasse australien associé à des vétérans sud-africains, a renforcé la guerre civile du général Haftar en Libye contre le gouvernement Tripoli, qui s’est à son tour tourné vers la société turque « Sadat International Defence Consultancy » (basée à Istanbul et entretenant de solides relations avec les services secrets de ce pays). Il y a ensuite les Français du Secopex, une société militaire privée, fondée par l’ancien parachutiste Pierre Marziali, tué à Benghazi en 2011 par des membres du Conseil national de transition (CNT). L’autre co-fondateur de Secopex, David Hornus, a créé la CorpGuard, lauréate du contrat de formation des militaires ivoiriens. Et on ne pouvait manquer, sur la photo reconstituée dans « New Lines Magazine » par Amanda Kladec, chercheuse au King’s College et ancienne enquêtrice du Conseil de sécurité des Nations Unies, les légionnaires français du roumain Horațiu Potra avec l’associé Ralf, actifs en Afrique francophone. Les Français ont ensuite été évincés du Mali et remplacés par Wagner dans la «guerre contre le Djihad», grâce aussi à une intense campagne de communication sur les échecs français face aux djihadistes, qui a ensuite conduit à soutenir le coup d’État au Niger et finalement sur (la demande de) l’expulsion hier de Niamey de l’ambassadeur de France, Sylvain Itté.

Mais les Wagner eux-mêmes, appelés à reconquérir la province de Cabo Delgado, au Mozambique, des mains de l’État islamique, ont été remplacés par le groupe consultatif sud-africain Dyck Advisory Group (DAG), pour cause d’incapacité. Outre le Mali, le premier et principal bastion de Wagner est la République Centrafricaine. Ce n’est pas un hasard si, en marge du sommet des BRICS à Johannesburg, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a souhaité rencontrer son président en tête-à-tête. Tout comme les vice-ministres de la Défense de Moscou se sont rendus en Syrie et à Benghazi en Libye pour renouer les relations et, vraisemblablement, garantir un passage de relais en douceur, vers une nouvelle organisation paramilitaire poutinienne. Certains groupes se sont formés autour des grandes entreprises publiques : Gazprom, Lukoil et Roscosmos. Le «Redut» le plus cité, créé en 2008 par des vétérans du GRU, les services secrets militaires russes, avec des combattants issus de la 45e brigade d’incursion, confié à un proche du numéro 2 du GRU, le général Alexeyev, a fait irruption lors de l’invasion de 24 février en Ukraine avec l’objectif de tuer Zelensky.

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Un affrontement avec son rival Prigozhin est inévitable. Puis «Redut» est entré dans l’orbite de Gazprom. Et enfin, il y aurait «Convoy», le groupe qui dépend de Sergueï Aksyonov, le gouverneur moldave de la Crimée occupée (une organisation paramilitaire qui œuvre dans le but d’assurer la défense des intérêts extérieurs de la Russie. La nouvelle milice russe qui imite Wagner, Ndlr). Il est curieux de noter que, quelques jours avant la mort présumée de Prigozhin, «Redut» aurait commencé à recruter des mercenaires pour l’Afrique. Par coïncidence.