(Rome, Paris, 23.08.2023). L’Algérie a rejeté la demande de la France d’autoriser ses avions militaires à traverser l’espace aérien de ce pays d’Afrique du Nord en vue d’une éventuelle attaque contre son voisin le Niger, dans le contexte du coup d’État militaire qui a renversé le président Mohammed Bazoum le 26 juillet, où Abdourahmane Tchiani, en prenant le pouvoir, s’est proclamé nouveau leader du Niger. C’est ce qu’a indiqué la radio d’Etat d’Alger dans un communiqué du 22 août, expliquant, selon de sources confirmées, que «l’intervention militaire est imminente et les accords sont prêts», comme le rapporte le journal «Il Fatto Quotidiano». Moins de 24 heures plus tard, la France a démenti la nouvelle dans un communiqué repris par l’agence Reuters, expliquant que «l’état-major français nie avoir demandé à survoler le territoire algérien». Toutefois, l’Algérie avait déjà exprimé le 19 août, dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères, son «profond regret» pour le fait que «les pays occidentaux donnent la priorité au recours à la violence au Niger plutôt qu’à la voie d’une solution politique et de négociation permettant le rétablissement du système constitutionnel et démocratique de manière pacifique», soulignant que, historiquement, les interventions militaires ont apporté plus de problèmes à la région que de solutions. La veille, la même position a été partagée par l’ambassadeur de Russie à Alger, Valérien Chouvaev, en expliquant lors d’une conférence de presse au siège de l’ambassade, que Moscou soutenait les efforts de l’Algérie pour résoudre pacifiquement la crise au Niger, par le biais d’une médiation favorisant le dialogue sur le recours à la force. Le 15 août, Saïd Chengriha, chef d’état-major algérien, a confirmé, dans un discours prononcé lors des activités de la Conférence internationale sur la sécurité à Moscou, qu’une intervention militaire étrangère au Niger devrait être évitée, affirmant que la racine des problèmes du Sahel trouve son origine lors de l’intervention militaire de l’OTAN en Libye en 2011.
Une position similaire à celle d’Alger, mais avec des objectifs différents, est également partagée par les autres pays d’Afrique du Nord, en premier lieu le Maroc, qui craint que l’instabilité au Niger ne s’étende à toute la région située au sud de ce pays sahélien, provoquant ainsi une catastrophe humanitaire et une crise dans les relations entre la monarchie nord-africaine et les membres de la CEDEAO. Lors d’une réunion d’urgence du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) tenue le 31 juillet, Mohammed Arrouchi, représentant permanent du Maroc auprès de l’UA, a appelé au maintien de la stabilité du Niger, soulignant que Rabat « fait confiance à la sagesse de la population et aux forces vives du pays » pour préserver les acquis réalisés au Niger et maintenir son rôle constructif important dans la région. En effet, l’instabilité politique à Niamey menace non seulement les projets de gazoduc transsaharien de capacité de 30 milliards de mètres cubes, qui relierait l’Europe aux géants champs gaziers du Nigeria, via le Niger et l’Algérie, mais aussi un autre projet parallèle et concurrent, à savoir le grand gazoduc Nigéria-Maroc, qui devrait « contourner » l’Algérie en traversant, le long de la côte atlantique et sur 5.660 kilomètres, pas moins de 11 États africains jusqu’à la porte d’entrée du sud de l’Europe. Rabat a ainsi accueilli, le 5 décembre dernier, la signature de cinq protocoles d’accord sur l’adhésion au projet de gazoduc Nigeria-Maroc. Il était alors envisagé que les pays enclavés du Niger, du Burkina Faso et du Mali, actuellement en conflit ouvert avec la CEDEAO, en particulier avec le Nigéria sur la crise du Niger, soient également approvisionnés en gaz nigérian.
Cependant, la situation au Niger préoccupe particulièrement le « petit frère » de l’Afrique du Nord, la Tunisie. Au lendemain du coup d’Etat militaire, le ministre des Affaires étrangères de Tunis a appelé dans un communiqué « toutes les parties concernées à respecter la légitimité électorale et de préserver la stabilité politique de la République du Niger afin que la situation ne s’aggrave pas et n’entraîne le pays dans un tunnel de tension, d’escalade et d’instabilité accrue dans la région ». En effet, le Niger occupe une position stratégique sur les routes migratoires du continent africain en tant que couloir de transit privilégié, avec la Libye et la Tunisie, pour les réfugiés d’Afrique subsaharienne vers (en particulier) l’Italie et (en général) l’Europe. La Tunisie, coincée entre l’Algérie et la Libye et sous la pression de l’Union européenne en raison de la question migratoire, craint alors une augmentation des flux, notamment de réfugiés demandeurs d’asile en provenance de ce pays sahélien. Le 27 juillet, le chef du gouvernement d’union nationale libyen, Abdelhamid Dbeibah, a réaffirmé, lors d’une réunion tenue en présence du ministre de l’Intérieur désigné Imad Trabelsi, du sous-secrétaire du ministère des Affaires étrangères, Mohammad Zaidan, et du chef de d’état-major des gardes-frontières, que Tripoli ne sera pas un « pays de réinstallation de migrants », faisant allusion à l’expulsion des migrants subsahariens par les autorités tunisiennes le long de la frontière, contraints d’entrer en territoire libyen, en fait l’une des conséquences de la mise en œuvre de l’un des cinq points du mémorandum d’entente signé par la Tunisie et l’UE le 16 juillet dernier, à savoir celui concernant les mesures de «lutte contre la traite des êtres humains» et l’immigration illégale et clandestine dans la petite république arabe.