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Comment Kiev frappe le territoire russe: les missiles anti-aériens recyclés

(Paris, Rome, 23.08.2023). Depuis le début du conflit, l’armée ukrainienne a largement eu recours aux solutions «MacGyver» visant à infliger de lourds dégâts aux forces russes en dépensant peu de ressources. Pour remédier à la pénurie temporaire de systèmes de missiles à longue portée, les forces de Kiev réutilisent d’anciens missiles anti-aériens qui ont été réaffectés à de nouvelles fins, nous explique Giovanni Chiacchio dans le journal «Inside Over».

Les missiles S-200

Les systèmes de missiles S-200 appartiennent à la catégorie des missiles sol-air (SAM), utilisés initialement pour intercepter les avions ennemis et les missiles balistiques. Ces systèmes sont entrés en service en 1967 et ont une portée opérationnelle de 300 km, une altitude maximale de 40.000 mètres et une vitesse de Mach 4. Le missile possède une ogive pesant 90 kg et constituée de petites billes d’acier, très fonctionnelles pour détruire des cibles volantes. Le système de propulsion consiste en un premier étage composé de quatre propulseurs à propergol solide et d’un second étage à propergol liquide. Au fil des années, ces systèmes sont devenus progressivement obsolètes, en raison de la difficulté d’intercepter des cibles volant à basse altitude et de l’impossibilité de monter les missiles sur des plates-formes mobiles. En Ukraine notamment, le missile est resté dans les mémoires pour avoir abattu un Tupolev civil russe Tu-154, lors d’un exercice, une erreur qui a coûté la vie à 78 personnes. Les S-200, en raison de leur obsolescence, ont été retirés du service actif par les forces ukrainiennes en 2013, mais cinq ans plus tard, le vice-ministre de la Défense Ivan Rusnak a annoncé son intention de remettre ces systèmes en service.

Déploiement en temps de guerre

Les systèmes S-200 disposent d’un radar qui couvre une grande partie du ciel, donc inadapté pour guider une trajectoire dirigée vers la surface. Cependant, les spécialistes ukrainiens ont réussi à repenser le système de guidage du missile afin de le rendre apte à atteindre des cibles terrestres. Grâce aux modifications, les systèmes S-200 ont donc été transformés en un missile balistique « de facto » à longue portée, avec une portée opérationnelle élevée pouvant atteindre 600 km.

La vitesse élevée des missiles, combinée à leur portée élevée, a permis d’utiliser les S-200 pour frapper diverses installations logistiques russes, soutenant ainsi la campagne d’usure ukrainienne contre les forces de Moscou. La conversion des systèmes de missiles anti-aériens en missiles balistiques à longue portée n’a rien de nouveau dans le conflit actuel, puisque les forces russes ont déjà utilisé à plusieurs reprises des systèmes Sam S-300 comme missiles balistiques.

Utilité et problèmes

La principale fonctionnalité de l’utilisation du S-200 comme missile balistique à longue portée est la préservation des stocks de Tochka-U, qui ne cesse de diminuer en raison du conflit. L’Ukraine présente actuellement des lacunes évidentes en matière de systèmes de missiles à longue portée, ce qui la rend largement dépendante de l’Occident sur ce front. A cet égard, il est plus que jamais nécessaire de préserver au maximum les stocks restants de ces missiles, en utilisant autant que possible des munitions à circuit longue portée, ou des systèmes anti-aériens reconvertis.

Par ailleurs, les S-200 ont une ogive qui n’est pas adaptée à la destruction de cibles terrestres fortifiées et leurs possibilités d’utilisation sont plutôt limitées, mais il n’est toutefois pas exclu que les spécialistes ukrainiens soient également en mesure d’adapter l’ogive, augmentant considérablement les possibilités de déploiement du système lui-même. Enfin, l’Ukraine développe actuellement ses propres systèmes de missiles à longue portée, dont la production à grande échelle prendra plusieurs mois. Les systèmes S-200 convertis peuvent donc représenter une solution efficace à moyen terme, permettant aux forces ukrainiennes de frapper profondément les lignes russes jusqu’à l’arrivée des nouveaux missiles.

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