La liste des députés qui enregistrent des déplacements payés par des tiers hors délai s’allonge. Metsola rompt la tradition et publie la liste des cadeaux
L’enquête sur la corruption au Parlement européen semble avoir rafraîchi la mémoire de nombreux députés qui avaient « oublié » de déclarer les cadeaux et les voyages offerts par des organisations ou institutions étrangères. En effet, les députés doivent déclarer aux bureaux de l’Euro-Chambre « la participation à un événement organisé par des tiers » lorsque ceux-ci prennent en charge totalement ou partiellement les frais de voyage, de logement et de repas. Les déclarations doivent être faites « au plus tard le dernier jour du mois suivant le dernier jour » du voyage en question. Des règles similaires s’appliquent aux cadeaux reçus. Mais plusieurs eurodéputés n’auraient pas respecté le règlement intérieur.
Le journal belge Le Soir, le premier à rapporter les détails de l’affaire du Qatargate avec l’hebdomadaire flamand Knack, a fait le point sur les « oublis » les plus curieux, lit-on dans le quotidien «Europa Today». « Parmi les retardataires figure Maria Arena, qui avait omis de préciser qu’elle s’était rendue à Doha aux dépens du Qatar », a rappelé le journal bruxellois en référence à l’eurodéputée non impliquée dans l’affaire Qatargate mais considérée comme proche d’Antonio Panzeri, l’ancien Député européen en prison depuis le 9 décembre et collaborateur de la justice depuis quelques jours. Mais Arena n’est pas la seule. Même Tom Vandenkendelaere, membre des chrétiens-démocrates flamands, « a récemment introduit six formulaires pour les voyages à l’étranger », ajoute Le Soir.
Mais le cas le plus sensationnel est celui de la présidente en exercice du Parlement européen, Roberta Metsola, qui a déclaré il y a une semaine cinq voyages dont les dépenses ont été partiellement couvertes par des tiers. « Seulement que ces voyages ont été effectués en mai, juin et octobre 2022 », note le journal belge. La femme politique maltaise « est donc, au regard du code de déontologie des députés, hors délai ». La déclaration tardive est intervenue au moment même où Metsola présentait les lignes directrices d’une réforme interne au Parlement européen afin d’éviter que les cas de corruption ne se reproduisent.
La liste des voyages enregistrés tardivement comprend un voyage de trois jours en Israël avec deux nuits dans un hôtel aux frais de l’Etat hôte, un autre voyage à Davos en mai dernier à l’invitation d’une fondation philanthropique ukrainienne avec hébergement offert pour un séjour d’une nuit, et une nuit à Copenhague en tant qu’invité de la fondation « Alliance of Democracies ». Metsola a également déclaré récemment avoir bénéficié d’une nuit dans un hôtel à Beaune, en Bourgogne, à l’invitation de la Confrérie des chevaliers du Tastevin, une confrérie de dégustateurs. « Lors de la cérémonie au Château Clos de Vougeot, elle a été nommée ‘Dame’ de l’association, titre qu’elle mentionne comme ‘activité non rémunérée’ dans sa déclaration d’intérêts financiers », précise Le Soir.
Le personnel de Metsola a souligné que la présidente n’avait pas oublié de déclarer les déplacements, mais avait plutôt omis les inscriptions en raison d’une coutume de l’institution. Selon cette tradition, le président de la Chambre serait dispensé des déclarations de déplacement. Cependant, a ajouté un porte-parole, « nous avons décidé que nous aussi devrions suivre cette règle. Montrer l’exemple, dans un souci de transparence ».
Aux mêmes heures où Le Soir rapportait les déplacements récemment déclarés par le bureau, le journal Politico publiait une liste de cadeaux que Metsola a reçus au cours des derniers mois, accusant la femme politique maltaise d’«avoir manqué la date limite dans lequel les députés européens devaient déclarer leurs dons pour 125 des éléments de sa liste ». La liste comprend un total de 142 cadeaux, dont une maquette de la tour dorée reçue par la politicienne marocaine Naam Mayara, une robe blanche brodée d’or que lui a offerte Fawzia Zainal, ancienne présidente du Parlement de Bahreïn, une écharpe reçue par la Première ministre française Elisabeth Borne, des écouteurs sans fil de marque Sennheiser reçus par le Bundestag allemand, mais aussi « du champagne, des chocolats, des biscuits, des gâteaux et des saucissons secs » qui « ont été servis dans le cadre des fonctions du Parlement », a rapporté Politico.
Mais le bureau a répondu durement à ces dernières allégations, ajoute le quotidien italien, en qualifiant l’article de « trompeur et faux ». « Les cadeaux reçus par la présidence ne sont pas destinés à la présidente en sa qualité de députée européenne, mais au Parlement européen. La présidente, en tant que représentante de l’institution, les accepte » et « elle ne garde aucun des cadeaux, mais ils restent au Parlement. L’emplacement de chaque cadeau dans les locaux du Parlement est indiqué dans la déclaration de cadeau », a-t-il déclaré en réponse aux allégations. Ainsi « les cadeaux sont régulièrement exposés aux visiteurs à Strasbourg et rejoignent, le cas échéant, la collection d’art de l’institution ». Enfin, la présidence a tenu à souligner que « la pratique établie et l’interprétation des règles par les présidents précédents ont consisté à déclarer tous les dons en bloc à la fin de leur mandat », donc « en développant cette nouvelle pratique de publication de tous les dons en ligne, nous voulons donner un exemple positif ».