(Rome, Paris, 09.01.2023). Certaines images sont saisissantes : on y voit des membres de la police militaire se prendre tranquillement en photo alors que les manifestants factieux prennent d’assaut les institutions. Sur d’autres images, on a même l’impression que certains policiers militaires, dans leur traditionnelle tenue bleu marine, escortent pour ainsi dire les assaillants. Ce n’est pas étonnant. Déjà, à l’automne dernier, après la victoire de Lula, lorsque Jair Bolsonaro a refusé de reconnaitre la défaite, les policiers militaires, en de nombreux endroits, ont laissé faire les militants d’extrême droite qui bloquaient les routes ou campaient devant les casernes pour appeler au coup d’État.
Le corps de la police militaire est infiltré par les Bolsonaristes ou en tout cas très sensible aux thèses de l’extrême droite : selon une étude récente du Forum Brésilien de la Sécurité Publique, 27% des membres de ce corps interagissent sur les réseaux sociaux avec les militants les plus radicaux de Jair Bolsonaro. Nombre de policiers militaires relaient ces discours radicaux, voire encouragent à manifester contre Lula, même s’ils n’ont normalement pas le droit de le faire.
Une tradition meurtrière et raciste
Ce corps, c’est la plus grande force de police dans le pays: 500.000 hommes environ. D’ailleurs, il faudrait plutôt parler des polices militaires, au pluriel. Il y a en effet une police militaire par État. Donc 27 au total. En l’occurrence, lors de ces assauts contre les institutions, il s’agissait donc de la police militaire de l’État de Brasilia, la capitale, dont le gouverneur et le chef de la sécurité publique, soupçonnés de sympathie avec les insurgés, ont été démis de leurs fonctions la nuit dernière. Le nom « police militaire » est trompeur : il s’agit vraiment d’un corps de police, chargé du maintien de l’ordre. Ce n’est ni l’armée (même si c’est un corps de réserve de l’armée), ni la police civile, qui elle est exclusivement une police judiciaire chargée des enquêtes au Brésil.
Les polices militaires ont été créées au début du XIXe siècle, en particulier pour réprimer les grèves. Elles sont souvent très violentes et usent des armes à feu sans hésiter : elles font entre 5.000 et 6.000 morts par an, le plus souvent dans les quartiers défavorisés, donc une grande majorité de noirs et de métis : le racisme est omniprésent dans les polices militaires. La nostalgie de la dictature (qui s’est achevée en 1985 au Brésil) y est aussi très présente. Plusieurs hauts gradés, comme le colonel Lacerda qui a été démis de ses fonctions à Sao Paulo à l’été dernier, semblent régulièrement prêts à jeter leurs bataillons dans la rue.
Une armée jusqu’à présent légaliste
L’armée, à l’inverse, est un corps fédéral, elle ne représente pas un État en particulier. Et jusqu’à présent en tout cas, elle présente un visage légaliste et respectueux des institutions démocratiques ; les casernes sont restées calmes, malgré les appels du pied des militants bolsonaristes qui réclament une « intervention militaire ». L’armée compte 325.000 hommes, c’est moins que le total de toutes les polices militaires. En décidant de placer Brasilia sous contrôle fédéral, le président Lula a de facto décidé de faire confiance à l’armée, plutôt qu’aux polices militaires. On peut le comprendre.