La directrice d’Amnesty-Ukraine démissionne et accuse: «l’organisation fait de la propagande russe»

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(Rome, Paris, 06 août 2022). Un rapport critiquant l’armée de Kiev, accusée de mettre les civils en danger en installant des bases militaires dans les écoles et les hôpitaux est sous le feu des critiques

La directrice de l’organisation de défense des droits humains Amnesty International en Ukraine, Oksana Pokalchuk, a démissionné en réaction à la publication jeudi d’un rapport incriminant l’armée ukrainienne, que l’ONG accuse d’avoir mis des civils en danger pour repousser l’invasion russe. « La manière dont est rédigé ce rapport semble soutenir la propagande russe », a-t-elle estimé. Selon l’agence italienne «AGI», le rapport controversé accusait l’armée de Kiev d’avoir mis en danger des civils en établissant des bases dans des écoles et des hôpitaux et en lançant des contre-attaques depuis les zones densément peuplées.

Le rapport, rendu public jeudi, a suscité l’indignation en Ukraine : « Si vous ne vivez pas dans un pays envahi par des occupants qui le morcellent, vous ne comprenez probablement pas ce que c’est de condamner une armée de défenseurs », a écrit hier sur les réseaux sociaux, la responsable d’Amnesty Ukraine, annonçant sa démission.

Pokalchuk a déclaré qu’elle avait tenté d’avertir la haute direction d’Amnesty que le rapport était partial et ne tenait pas correctement compte de la position ukrainienne, mais qu’elle avait été ignorée. Amnesty affirme avoir contacté des responsables de la défense à Kiev le 29 juillet pour présenter les résultats de l’enquête, mais n’a pas reçu de réponse au moment de la publication du document. Selon Pokalchuk, le délai du préavis était trop court. L’ONG, a poursuivi l’ancienne cadre ukrainienne, « a ainsi involontairement publié un communiqué qui sonne comme un soutien au récit russe. S’efforçant de protéger les civils, ces recherches sont plutôt devenues un outil de propagande russe ».

Amnesty a répertorié des incidents au cours desquels les forces ukrainiennes semblaient avoir exposé des civils au danger dans 19 villes et villages des régions de Kharkiv, du Donbass et de Mykolaïv. « Nous avons documenté des informations sur un schéma dans lequel les forces ukrainiennes mettent les civils en danger et violent les lois de la guerre lorsqu’elles opèrent dans des zones peuplées », a expliqué la secrétaire générale d’Amnesty, Agnes Callamard. « Être en position défensive ne dispense pas l’armée ukrainienne de respecter le droit international humanitaire », a-t-elle ajouté. Le gouvernement ukrainien a sévèrement rejeté le rapport : le ministre des Affaires étrangères Dmytro Kuleba a qualifié les accusations d’«injustes» et le ministre de la Défense Oleksiy Reznikov les a qualifiées de «perversion».

Pour le président Volodymyr Zelensky, Amnesty a inversé les rôles, faisant passer « la victime pour l’agresseur » et a accusé l’ONG de « créer un faux équilibre entre l’oppresseur et la victime, entre le pays qui détruit des centaines et des milliers de civils, de villes, de territoires et le pays qui se défend désespérément ».

L’an dernier, Amnesty avait déjà fait l’objet d’une vive polémique liée à la Russie : en février, elle avait décidé de ne plus qualifier le plus célèbre opposant au Kremlin, Alekseï Navalny, comme un « prisonnier d’opinion », en raison de propos discriminatoires tenus par l’homme politique en 2007 et 2008 et qui auraient pu constituer des actes de haine ou de l’incitation à la haine.

En mai, après une avalanche de critiques, l’ONG est revenue sur ses pas en expliquant que le gouvernement russe et ses partisans avaient utilisé cette décision, entièrement interne et qu’Amnesty International n’avait pas l’intention de rendre publique, pour violer davantage les droits fondamentaux de Navalny.