Celui qui attend perd. Comment arrêter (à temps) Poutine

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(Rome, Paris, 20 février 2022). La Russie demande à l’OTAN de revenir à 1997, mais elle n’est pas prête à le faire. Poutine veut épuiser l’Europe dans une longue et interminable impasse. Mais il y a une issue.

Sera-ce la guerre ? La menace est réelle. Pour Vladimir Poutine, il s’agit d’abord d’une méthode : menacer de déclencher guerre pour obtenir un résultat politique. Il l’a fait il y a un an pour obtenir le sommet avec Joe Biden à Genève et la reconnaissance de son statut d’acteur mondial. Aujourd’hui, l’escalade militaire autour de l’Ukraine a un objectif clair : redéfinir l’architecture de la sécurité européenne, selon l’analyse de Nona Mikhelidze sur les colonnes du quotidien italien «Formiche».

Cependant, quelque chose a dérapé à Moscou : une série d’erreurs de calcul. La première : ne pas avoir prévu la réaction des États-Unis. L’administration Biden a décidé de jouer en utilisant les cartes russes. Grâce à une guerre de l’information préventive, Washington a publié des détails du renseignement, troublant chaque pas des Russes et offrant une démystification de leurs informations. La Russie s’est donc retrouvée, de manière inattendue, sur la défensive. En bref, Biden a pris les rênes du jeu à Poutine.

Cela explique la campagne de propagande russe sur la menace de l’Occident et la prétendue adhésion imminente de l’Ukraine à l’OTAN. Mais il existe une autre raison, non moins valable. Les exercices militaires russes qui se déroulent depuis des mois ont coûté très cher. Trop cher pour un pays où l’inflation est de 8% et qui peine à faire face à la pandémie. En effet, l’impatience chez les Russes commence à monter : pourquoi le Kremlin recherche-t-il une guerre qui sera longue et certainement sanglante ?

Poutine doit maintenant sauver la face. La lettre envoyée par le Kremlin à la Maison Blanche contient des demandes si peu probables qu’elles donnent l’impression que même les expéditeurs n’y croient pas vraiment. Lavrov et son équipe demandent à être rassurés par des garanties écrites : ils veulent que l’Ukraine et la Géorgie s’engagent à ne jamais rejoindre l’OTAN et à revenir aux conditions de 1997. Dommage que ce que Moscou demande soit un retour unilatéral, qui ne concerne que l’OTAN. En effet, la Russie n’est pas prête à retirer ses troupes de Crimée, d’Abkhazie, d’Ossétie du Sud et de Transnistrie (cette république moldave du Dniestr, est un État indépendant de fait depuis la dislocation de l’URSS en 1991, ndlr). Elle ne cessera pas de financer les séparatistes en Europe de l’Est. En outre, si les demandes ne sont pas acceptées, elle menace de « mesures technico-militaires ». Un ultimatum : soit vous suivez nos règles, soit c’est la guerre.

Il est donc bon de résoudre immédiatement un malentendu répandu et de retirer une expression de notre vocabulaire. Il ne s’agit pas d’une « crise ukrainienne », mais d’une une crise entre la Russie et l’Occident. Poutine ne considère pas l’Ukraine comme un État, mais comme un territoire où il peut exercer et montrer la pression militaire russe pour obtenir en échange des concessions de l’OTAN.

Si tel était également le plan initial de cette escalade, quelque chose a mal tourné. Les attentes du président russe sont en effet à revoir à la baisse. Une invasion à grande échelle reste peu probable : elle coûterait trop cher, aussi et surtout pour Moscou. La reconnaissance des républiques autoproclamées de Donetsk et Louhansk est plus probable. Et en même temps un maintien semi-permanent des troupes autour de l’Ukraine, avec une escalade-désescalade qui peut sérieusement saper la stabilité économique et politique ukrainienne et, à long terme, le gouvernement de Volodymyr Zelensky lui-même.

Un flou dangereux, poursuit Nona Mikhelidze, qui oblige l’Europe et les Etats-Unis à faire un choix clair : Appliquer une série de sanctions préventives. Les doutes affichés par le Premier ministre italien Mario Draghi lors de la conférence de presse à l’égard de cette hypothèse, pourtant jamais prise en considération jusqu’à présent, sont étonnants. En 2014, ces mêmes sanctions ont réussi à sauver Marioupol et à arrêter le gouffre de la guerre. Aujourd’hui, ils pourraient être tout aussi efficaces.