Le Burkina Faso dans le chaos. Encore un coup d’État en Afrique

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(Rome, Paris, 24 janvier 2022). Le président arrêté : une opération militaire éclaire à Ouagadougou pour rétablir la sécurité, satisfaire les revendications de la population qui reproche au gouvernement de ne pas contrôler les groupes armés qui infestent le pays

L’arrestation du président burkinabé, Roch Marc Kaboré, a d’abord été démentie, mais les autorités militaires ont ensuite confirmé qu’elles l’avaient placé en garde à vue, affirmant que tout était sous contrôle, même si les soldats se battaient pour le contrôle de plusieurs casernes. Après «l’annus horribilis» des coups d’État de 2021, cette année semble aussi mal démarrer, avec le Burkina Faso glissant vers le putsch et différents contextes présentant des scénarios inquiétants, par exemple, aujourd’hui 24 janvier, la Libye rate pour la deuxième fois en deux mois les élections présidentielles et législatives, le parlement se réunit pour décourager le gouvernement intérimaire et chercher des solutions pour un nouvel exécutif, lit-on dans l’analyse de Ferruccio Michelin du quotidien «Formiche».

Le palais présidentiel de Ouagadougou a été atteint par les « mutins » (selon la définition du Washington Post) dimanche soir, et Kaboré a été démis de ses fonctions moins de 24 heures après le début du soulèvement. « J’exprime la fierté de toute la nation », avait écrit le président quelques heures plus tôt sur Twitter s’adressant à l’équipe du Burkina Faso, qui a battu le Gabon dimanche en Coupe d’Afrique des nations, se qualifiant ainsi pour les quarts de finale du plus grand tournoi de football du continent. « Nous sommes tous avec vous ». La situation est en effet évolutive et très sensible. Depuis quelque temps, on parle du risque de dérapage du Burkina Faso : il y a une dizaine de jours une tentative de coup d’Etat a été suspectée en analysant des données sur le trafic internet, qui a été interrompu pendant plusieurs heures.

A lire : Quand le blocage d’internet est le signe d’une tentative de coup d’État

Un officier burkinabé de la lutte antiterrorisme a déclaré aux médias internationaux que le président « est entre de bonnes mains ». S’exprimant sous couvert d’anonymat parce qu’il n’était pas autorisé à s’exposer officiellement aux médias, il a également déclaré que les militaires en avaient assez de ce qu’ils voyaient comme un manque de soutien de la part de leurs supérieurs : « Nous avons besoin d’un homme fort avec des idées claires ». Les autorités ont instauré un couvre-feu et ordonné la fermeture des écoles. Les lignes téléphoniques et l’accès à Internet ont cessé de fonctionner, laissant des millions de personnes dans une panne de communication.

L’arrestation a eu lieu après que des centaines de manifestants ont défilé dans les rues de la capitale pour exiger la démission de Kaboré, qui a pris ses fonctions en 2015. La violence n’a cessé de s’aggraver depuis qu’il est au pouvoir. Au cours de son mandat, des militants liés à l’État islamique et à al-Qaïda ont perturbé la vie dans ce pays de 21 millions d’habitants, rendant une grande partie des zones non urbaines ingouvernables et chassant au moins 1,4 million de personnes de chez elles. Plus de 2.000 Burkinabés sont morts dans des attentats terroristes et des épisodes violents.

Sécuriser l’ensemble du pays et permettre aux déplacés de rentrer chez eux est l’objectif affiché par les rebelles. Les soulèvements qui ont pris racine dans la région il y a dix ans ont suscité l’insécurité au Burkina Faso. Cette situation génère des souffrances au sein de la population, et l’intention des putschistes est de défendre leur action en jouant sur le populisme et en recueillant un consensus sur la question de la sécurité – un schéma qui n’est certainement pas nouveau.

En outre, après que l’effondrement du régime libyen en 2011 a renvoyé les mercenaires qui travaillaient pour Mouammar Kadhafi dans leur Mali natal, certains de ces combattants de souche touareg ont forgé une alliance fragile avec des militants islamistes qui cherchaient à prendre pied dans le nord du Mali, ajoute Ferruccio Michelin. Après que les forces françaises et régionales les aient initialement repoussés, les militants se sont dispersés et ont pénétré au Burkina Faso, déclenchant un conflit qui a transformé une grande partie du pays en un champ de bataille.

Ces dernières années, les gardes du parc animalier burkinabé ont décrit la perte de terres protégées au profit des éléphants et des lions en raison des extrémistes exploitant l’espace forestier pour leurs cachettes. Pendant ce temps, les réfugiés du Mali qui ont cherché refuge au Burkina Faso disent depuis un moment qu’ils ont dû fuir parce que les militaires arrivaient à Ouagadougou.

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), un bloc régional composée de 15 pays, a appelé les soldats de Ouagadougou à maintenir la paix et a déclaré dans un communiqué que les dirigeants ouest-africains étaient aux côtés de Kaboré.