Tunisie: canons à eau et à gaz lacrymogène lors de manifestations anti-Saied

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La dispersion musclée des manifestations, qui marquaient également le 11e anniversaire de la chute de Zine el-Abidine Ben Ali, a donné lieu à des scènes de violence rarement vues dans la capitale tunisienne depuis la révolte qui a renversé le dictateur en 2011 et donné le coup d’envoi des soulèvements du Printemps arabe dans la région.
Un dispositif de répression particulièrement musclé
« A bas le coup d’Etat, le peuple veut la fin du coup d’Etat », ont crié les manifestants rassemblés sur l’avenue Mohamed V, dans le centre-ville de Tunis. Les opposants du président Kaïs Saied qualifient de « coup d’Etat » son accaparement des pouvoirs le 25 juillet lorsqu’il avait limogé le gouvernement et suspendu le Parlement pour gouverner par décrets. Le ministère de l’Intérieur qui avait déployé un dispositif policier massif, à grand renfort de barrières métalliques et unités anti-émeutes, a affirmé dans un communiqué que près de 1.200 personnes avaient participé aux manifestations. Les manifestants ont réussi à briser plusieurs cordons policiers et ont été refoulés à coups de matraques, gaz lacrymogènes et jets d’eau sale. Empêchés d’accéder à l’artère principale, l’avenue Habib Bourguiba, ils se sont éparpillés en plusieurs groupes distincts. Des dizaines d’interpellations ont eu lieu, plusieurs personnes dont au moins un adolescent de 15 ans étant frappées et traînées au sol, selon des journalistes de l’AFP. Des motards ont foncé sur certains groupes pour les disperser, et des tirs de sommation ont été entendus. Au moins deux journalistes étrangers ont été interpellés et malmenés par la police, selon des témoignages de collègues.
Des opposants ulcérés par la situation actuelle
« La révolution a été gommée du calendrier par le diktat d’un dictateur », a protesté auprès de l’AFP la célèbre militante Sihem Bensedrine, après la suppression par M. Saied du jour férié du 14 janvier, au motif que, selon lui, la révolution serait « inachevée » et qu’il aurait pris le relais. Elle a dénoncé l’interdiction des rassemblements comme « une tactique policière et sécuritaire pour spolier les Tunisiens de leur droit de manifester ». « Ce peuple qui a fait chuter une dictature ayant duré 23 ans ne laissera pas une dictature se réinstaller », a-t-elle ajouté.
Même colère de la part de Sofiane Ferhani, frère d’une victime de la révolution de 2011 et responsable d’une association de blessés. « De quel droit le président s’est permis de toucher au 14 janvier ? On ne laissera pas faire, ce jour est trop cher à nos yeux », a-t-il dit. Les nouvelles manifestations contre le président surviennent alors que les tensions entre Ennahdha et M. Saied – déjà très vives depuis le coup de force de juillet – sont montées d’un cran après l’arrestation le 31 décembre et l’hospitalisation sous surveillance policière de l’un des hommes forts du parti, l’ancien ministre de la Justice Noureddine Bhiri.
Jawhar Ben Mbarek, une figure de la gauche tunisienne à la tête d’un collectif d’opposants à ce qu’ils dénoncent comme un « coup d’Etat » du président Saied, était également présent vendredi aux manifestations. L’organisation des droits humains Amnesty International a dénoncé dans un communiqué vendredi les interdictions de manifester comme « une entrave aux droits à la liberté d’expression et aux rassemblements pacifiques ». (Le Point)