Pourquoi Israël attire l’attention sur les drones iraniens

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(Rome, 24 novembre 2021). Israël veut accroître la pression sur l’Iran en cherchant à impliquer des partenaires régionaux alors que les États-Unis se préparent à reprendre les négociations sur le JCPOA

Le ministre israélien de la Défense Benny Gantz a lancé une nouvelle alerte contre l’Iran : il existe deux sites (pour mener des attaques maritimes avec des drones, ndlr), l’une près de Chabahar et l’autre sur l’île de Qeshm, où la République islamique a déployé des drones d’attaque Shaded. La nouvelle ne serait pas exceptionnelle si ce n’était du fait qu’elle envoie un message à plusieurs niveaux, d’après le décryptage d’Emanuele Rossi dans le quotidien italien «Formiche».

Tout d’abord, ces bases sont situées dans le sud du pays et constituent selon les Israéliens une menace pour la sécurité maritime dans le Golfe, où depuis des années, des sabotages et des épisodes suspects se produisent, en raison d’une guerre de l’ombre entre les Pasdarans, les Israéliens et les Américains, où l’Italie fait partie de la mission européenne « Emasoh » pour le contrôle de ces routes commerciales très importantes par lesquelles passe la majorité du pétrole et du gaz. Israël utilise l’argument avec une référence récente : l’attaque de Mercer Street. Le navire exploité par une compagnie israélienne a été touché par deux explosions en juillet au cours desquelles deux personnes ont perdu la vie (les premières victimes d’un tel « accident »). D’après les reconstitutions il avait été attaqué par des drones, pour les USA les Iraniens étaient responsables bien que Téhéran ait toujours démenti.

Ces mêmes drones auraient récemment attaqué une base américaine en Syrie, et dans ce cas également, le Pentagone a imputé la responsabilité à Téhéran, bien que l’action ait été selon toute vraisemblance menée par l’une des milices chiites liées aux Pasdaran – des groupes qui se déplacent entre la Syrie, l’Irak et le Liban. Quand Gantz parle, il pense aussi au même scénario, y compris aux milices. Les États-Unis et leurs alliés régionaux au Moyen-Orient craignent que davantage d’armes de haute technologie, telles que les drones, ne soient transmises par les Pasdarans à des groupes armés apparentés. Cela conduirait à une aggravation presque exponentielle du problème, à la fois parce que la menace viendrait de plusieurs côtés, et parce que ces milices suivent également des agendas personnels et elles pourraient agir sans indications ni consentement iraniens, donc de manière incontrôlée.

Aux observations techniques du ministre iranien – qui a également évoqué ces transferts d’armes – s’ajoute un message d’ordre politique et stratégique, adressé tout d’abord aux partenaires du Golfe, avec lesquels à partir des accords abrahamiques, une alliance pour le partage du renseignement est en train de se créer (entre temps avec les Emirats Arabes Unis et Bahreïn). Voici deux autres éléments ; Le premier, qui attire l’attention sur la persistance de la menace, sert à faire pression sur Abou Dhabi, ayant à plusieurs reprises pris des positions moins dures avec l’Iran ces dernières années (voir aussi la dynamique syrienne).

Le second, ajoute Emmanuele Rossi, vise les États-Unis, actuellement engagés dans la recomposition de l’accord nucléaire iranien JCPOA. Les négociations font partie d’une guerre des nerfs, dans lesquelles des coups bas tels que les fuites dans les médias sont également utilisés ; l’affirmation selon laquelle des responsables américains ont averti leurs homologues israéliens que les attaques répétées contre les installations nucléaires iraniennes sont finalement contre-productives (les responsables israéliens, selon le New York Times qui a donné l’information, ont déclaré qu’ils n’avaient pas l’intention d’abandonner). Les déclarations sur les drones servent également à rappeler qu’en plus de la question nucléaire, il y a d’autres problèmes à régler avec l’Iran.