Tunisie: tensions et affrontements après la prise en main de l’exécutif par le président Saïed

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(Rome, 26 juillet 2021). Au lendemain du limogeage de son Premier ministre et de la suspension d Parlement, le président Kaïs Saïed a annoncé ce lundi le limogeage du ministre de la Défense. Dans la matinée, des heurts ont éclaté à Tunis entre les partisans du chef de file du parti Ennahdha qui dirige l’Assemblée, et ceux du chef de l’État.

Dans un communiqué lapidaire publié sur sa page Facebook, la présidence tunisienne a annoncé ce lundi le limogeage du ministre de la Défense Ibrahim Bartaji, et celui de la porte-parole du gouvernement Hasna Ben Slimane, également ministre de la Fonction publique et de la Justice par intérim. Cette annonce survient au lendemain de celle de la suspension des travaux du Parlement et du limogeage du Premier ministre Hichem Mechichi.

Plus tôt dans la journée, deux camps se sont fait face devant le Parlement. D’un côté du barrage policier, des partisans du président qui revendiquent la légitimité de ses décisions. De l’autre, ceux du parti Ennahdha et de son chef Rached Ghanouchi qui, eux, dénoncent une atteinte à la démocratie, évoquant un coup d’État.

Des pierres ont été lancées, des échauffourées ont eu lieu, mais les forces de l’ordre ont pu un peu rétablir le calme, rapporte notre correspondante à Tunis, Lilia Blaise. La situation reste tout de même tendue, car beaucoup attendent la publication d’un décret officiel et que le président aille au bout de ses promesses, notamment en remplaçant le chef du gouvernement qu’il a limogé.

D’autres rassemblements ont lieu comme à Tataouine, dans le sud du pays, bastion du parti Ennahdha, où ses partisans contestent cette prise de pouvoir par Kaïs Saïed.

Un long bras de fer

Cette crise institutionnelle majeure couvait depuis des mois. La relation entre le chef de l’État Kaïs Saïed et le président du Parlement, Rached Ghannouchi, se résume depuis 2019 à un long bras de fer. D’un côté, un président qui se veut indépendant des partis. De l’autre, le chef historique du mouvement islamiste Ennahdha, majoritaire à l’Assemblée. Depuis le début, le tandem fonctionne mal.

À plusieurs reprises, Rached Ghannouchi a empiété sur les prérogatives du chef de l’État. Il a pris position dans le dossier libyen alors que la diplomatie revient au président et que la stratégie officielle de la Tunisie sur ce sujet est la neutralité.

Au milieu de ce bras de fer, un troisième homme : le désormais ex-Premier ministre Hichem Mechichi, nommé par Kaïs Saïed, mais qui s’est rapproché d’Ennahdha. Les deux hommes étaient en conflit ouvert depuis janvier et le remaniement proposé par Hichem Mechichi a été désapprouvé par la présidence.

Crise sanitaire catastrophique

En plus d’une crise institutionnelle, d’une crise politique, la Tunisie vit aussi une crise sanitaire. Après avoir été critiqué pour sa gestion des émeutes de jeunes en janvier, l’ex-Premier ministre Hichem Mechichi était désavoué au sommet de l’État pour sa gestion de la pandémie de Covid-19. Le pays est durement touché. Avec 18 000 morts pour 12 millions d’habitants, c’est l’un des pires taux de mortalité recensés dans le monde. En ce moment, entre 150 et 200 Tunisiens meurent chaque jour du coronavirus officiellement et l’hôpital public est saturé.

Il y a six jours, le ministre de la Santé a été limogé après un nouveau raté dans la campagne de vaccination à l’occasion de l’Aïd. Les blocages politiques chroniques et l’aggravation de la situation sanitaire ont conduit à cette exaspération et aux appels à manifester dimanche, jour de la fête de la République en Tunisie.

(Radio France Internationale)