Les réfugiés syriens au Liban: une colonisation devenue un abcès purulent

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(Montréal, 19 mai 2021). Plus d’un million de réfugiés syriens colonisent le Liban depuis l’éclatement de la révolte syrienne contre le régime de Bachar Al-Assad, en mars 2011. Ils sont appelés à voter, jeudi 20 mai, à l’ambassade de Syrie à Beyrouth, pour réélire leur bourreau pour un 4ème septennat.

Leur participation à cette mascarade électorale est la goutte qui fait déborder le vase. Le chef du parti des Forces Libanaises, Samir Geagea, a demandé, ce mercredi, à renvoyer en Syrie tous ceux qui, parmi les réfugiés, iraient voter. Car, étant des soutiens au régime, ils ne peuvent plus prétendre le craindre et demeurer au Liban en bénéficiant du statut de réfugiés et des aides internationales qui vont avec.

De fait, les Syriens ont massivement afflué au Liban, dès la fin de 2011, quand Assad a libéré les islamistes de ses prisons et contribué activement à radicaliser et militariser la contestation, jusque-là pacifique. Dans une grande proportion, ces syriens étaient des réfugiés, mais d’autres étaient des opportunistes ou des agents du régime qui ont littéralement colonisé le Liban, profitant de la complicité des autorités libanaises, elles-mêmes soumises au Hezbollah et au Courant Patriotique Libre (CPL). Et ces réfugiés sont en grande partie responsables de la ruine du Liban qu’ils avaient transformé en « poumon économique » du régime de Damas. Durant dix ans, ils ont constitué une main-d’œuvre « bon marché » qui a non seulement remplacé les travailleurs libanais, contraints au chômage et à l’exile, mais surtout, a siphonné des millions de dollars, transférés en Syrie. Chaque réfugié dispose en plus d’une carte de retrait bancaire attribuée par le programme des Nations unies pour les réfugiés. Elle lui permet de retirer ses allocations sans plafond, au moment où l’argent des Libanais est bloqué et leurs retraits sont plafonnés.

Comment le Liban en est arrivé là ?

Sous Najib Mikati, lui-même associé avec la famille Assad dans la téléphonie mobile, le Hezbollah, le CPL et leurs alliés avaient la haute main sur le gouvernement libanais. Ils ont refusé de déployer l’armée à la frontière et de réguler l’arrivée massive de Syriens, officiellement pour des raisons humanitaires. Mais en réalité, la fermeture des frontières et le déploiement de l’armée allaient empêcher le Hezbollah d’envoyer ses miliciens défendre Assad, de transférer au Liban les cargaisons d’armes iraniennes, et d’exporter toutes sortes de drogues. Le gouvernement avait également rejeté la demande des souverainistes d’installer les réfugiés dans des camps spécialement construits pour eux, proches de la frontière, pour leur permettre de retourner en Syrie quand la situation le leur permet. Gebran Bassil avait alors argumenté son refus en affirmant que leur installation dans des camps de réfugiés signifiait leur installation durable dans le pays, à l’instar des Palestiniens.

Il convient de rappeler, ici, que depuis 2011, le Liban a servi de corridor stratégique pour acheminer carburants, vivres et médicaments au régime d’Assad et contourner les sanctions internationales qui le frappaient. Et ce, au détriment de l’économie libanaise et du bien-être des Libanais. Ces trafics se sont accélérés ces dernières années, provoquant la pénurie des devises au Liban, à l’été 2019, l’effondrement de la « Jammal Trust Bank », qui a entrainé la chute de tout le secteur bancaire et conduit à la crise actuelle.

Une complicité qui frôle la haute trahison

La complicité des autorités libanaises avec la dictature syrienne a été couronnée par un acte anticonstitutionnel commis par le locataire du palais présidentiel, Michel Aoun. Par décret, ce dernier a naturalisé des centaines d’étrangers, dont plusieurs hommes d’affaires recherchés par leur pays d’origine ou par Interpol pour « grande corruption » [comme l’algérien Farid Bedjaoui, impliqué dans les scandales de la Sonatrach, et qui aurait joué un rôle dans les contrats liant le ministère libanais de l’Energie, dirigé par le CPL, et la compagnie algérienne, contrats marqués par la corruption dans l’achat de fuel…]. Parmi ces nouveaux libanais figurent des dizaines de Syriens proches du régime. Il s’agit essentiellement d’hommes d’affaires et d’argentiers de Bachar Al-Assad. Cette haute trahison de Michel Aoun leur a accordé une nouvelle virginité grâce à un passeport libanais et leur a permis d’échapper aux sanctions internationales.

Face à cette hypocrisie du Hezbollah, qui ne cache pas ses desseins régionaux et son alliance avec l’axe syro-iranien – qui comprend le Hamas et le Djihad islamique palestiniens – et au double langage du Courant Patriotique Libre – qui n’est ni patriote ni libre – le dossier des réfugiés syriens est devenu un abcès purulent qui empoisonne la vie politique libanaise et menace la sécurité et l’économie du pays. Il était temps que les souverainistes s’en saisissent et qu’ils réclament le retour dans leur pays de tous ceux qui vont voter pour Assad. Car ils perdent la raison de leur maintien au Liban, surtout que de très nombreux « réfugiés » se rendent en Syrie régulièrement, ce qui prouve qu’ils n’y sont pas menacés. Mais le régime veut les maintenir au Liban pour continuer à extorquer les fonds de la communauté internationale, et pour monnayer leur retour. Il réclame que les pays du Golfe et l’Occident financent ce qu’il a lui-même détruit en dix ans, pour y installer ceux qu’il avait chassés !

En définitive, il faut que le Liban s’inspire de l’Allemagne, qui interdit la tenue des présidentielles syriennes dans l’ambassade de Syrie à Berlin. C’est tout juste du bon sens. Merci à Samir Geagea de crever cet abcès puant.

Sanaa T.