Entre Paris et Rome, quelque chose bouge sur les fronts politique, militaire et du renseignement

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(Rome, 12 mars 2021). L’Italie et la France de plus en plus alignées ? De la coopération en matière de renseignement (sur des questions telles que le terrorisme et des quadrants délicats comme la Libye) à l’alignement sur les vaccins européens, que se passe-t-il entre Paris et Rome ?

Les hommes de la DDA de Bari ont arrêté lundi 8 mars un citoyen algérien accusé d’avoir fourni de faux documents aux terroristes de l’Etat islamique responsables des attentats contre le théâtre du Bataclan, le Stade de France etc., qui ont eu lieu à Paris lors du tragique soir du 13 novembre 2015. La nouvelle est mineure, mais s’ouvre sur un scénario plus large : l’arrestation s’inscrit dans une série d’alignements entre l’Italie et la France qui passent du renseignement à des scénarios plus stratégiques.

Dans ce cas, l’Italie qui met en prison un membre « basique » de l’EI, algérien, est un facteur d’intérêt primordial pour Paris, engagé pour rendre justice complète sur cette plaie nationale encore ouverte, mais aussi pour contenir le séparatisme islamique – un facteur que le président Emmanuel Macron a reconnu comme une identité stratégique pour l’avenir du pays (et le sien aussi, électoral).

Récemment, lors d’une réunion avec le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, l’Italien Luigi Di Maio a souligné comment les deux pays vont approfondir leurs relations dans le secteur du renseignement. On a parlé de la Libye, un théâtre où la France et l’Italie sont en coopétition (concurrence, ndlr) depuis des années, mais qui pourrait aussi être un point de redémarrage des relations – presque un test décisif des dynamiques en mouvement (comme la Libye l’est souvent). L’alignement franco-italien, par exemple, est fortement ressorti lorsque Paris et Rome ont mené les démarches sur le plan de relance, créant un coin géopolitique dans le sud de l’Europe – un «triangle viral» qui inclut l’Espagne – qui a demandé à Bruxelles d’agir, forçant la main contre le bloc du Nord et élargissant l’ouverture sur l’axe franco-allemand.

Le Premier ministre Mario Draghi a déjà annoncé une consolidation de la relation stratégique avec la France, quelque chose qui, selon une analyse de Leonardo Palma, comprend un point de départ sur la défense et de l’innovation, en passant par la Libye et la Méditerranée élargie. Palma a identifié à Rome et à Paris les moteurs de la refondation européenne, tandis que l’analyste Jean-Pierre Darnis a souligné que les deux pays pourraient «faire tenir le bateau européen dans le contexte de la crise prolongée de Covid, en utilisant une fenêtre d’opportunité créée par la présidence Draghi pour stabiliser et améliorer la qualité des relations bilatérales ». Un axe qui profiterait également d’une « vacance » du pouvoir à Berlin, où la chancelière Angela Merkel est en phase de «canard boiteux».

Cet axe stratégique qui se développe en Europe a jusqu’ici émergé au niveau du périscope (également en raison des délicatesses des relations mutuelles) sur le thème de la pandémie, et en particulier dans le domaine crucial des vaccins. Paris s’est aligné sur la réprimande de Londres quant à la décision de Rome d’utiliser le mécanisme de l’UE pour bloquer un approvisionnement direct d’AstraZeneca à l’Australie. Et non seulement cela: par la suite, le ministre du Développement économique, Giancarlo Giorgetti, a rencontré le commissaire européen Thierry Breton. L’ancien ministre français désormais chef du groupe de travail européen sur les vaccins « a confirmé les engagements sur les niveaux de production de vaccins européens ».

Un changement de rythme européen, qui de la question de santé, conduit au plus stratégique de l’industrie, à travers un axe franco-italien (Giorgetti-Breton) qui semble représenter le moteur de la refondation européenne et donc pour refonder l’Europe à tous les points de vue, de l’économique au social et communautaire.

Par conséquent, d’autres indicateurs s’affichent : comme les mots positifs que les magazines de profondeur comme le Grand Continent consacrent au gouvernement Draghi, ou aussi les liens culturels entre des personnalités à l’intérieur du Palazzo Chigi (le siège de la présidence du Conseil des ministres italien) avec la France, et enfin, le Parti démocrate, finit par être dirigé par le doyen de l’école des affaires internationales de Sciences Po (prestigieuse université parisienne, temple des sciences politiques).

En dehors du niveau périscope, les 6 et 7 mars, les « Fremm » (des frégates européennes multi-missions) italiens « Alpino » et « Margottini » ont participé à un exercice de combat anti-sous-marin avec l’unité de la marine française « Languedoc » qui a vu des moyens aériens intégrés décoller de la base de l’OTAN à Sigonella, dans l’objectif d’«approfondir le partenariat». C’était déjà le message central de la rencontre entre le ministre de la Défense, Lorenzo Guerini et son homologue française Florence Parly, survenu en juillet dernier, sous un autre exécutif, certes, (mais déjà, selon certaines intentions ?).

Les raisons de la rivalité entre Rome et Paris existent toujours, mais aussi des points communs (qui semblent se développer). De la nécessité de contrebalancer Berlin dans le projet européen du futur (qui sera forcément renouvelé après la crise pandémique), au partage de théâtres d’intervention dans le contexte de la sécurité, comme la Libye et le Sahel, ou plus stratégiques comme le méditerranéen : thèmes de grande valeur.

Emanuele Rossi. (Formiche)