(Roma 28 septembre 2020). Il y a quelques jours, les États-Unis ont annoncé la découverte d’armes et d’explosifs du Hezbollah en Europe y compris en Italie. Le dossier sera au centre de la visite du secrétaire Mike Pompeo à Rome qui demandera à notre gouvernement d’interdire l’organisation dont les tentacules atteignent l’Italie (également grâce à la mafia)
Keith Krach, sous-secrétaire d’État américain à la croissance économique, à l’énergie et à l’environnement, est à mi-chemin de son voyage de deux semaines en Europe. A Washington et à Rome, en revanche, les derniers préparatifs sont en cours pour l’arrivée mardi dans la capitale du secrétaire d’État Mike Pompeo. Et à en juger par le récent tweet avec lequel le Conseil de sécurité nationale (forum de la Maison Blanche) a soulevé la question des activités du Hezbollah en Europe, deux éléments semblent évidents. Le premier: le Département d’État et la Maison Blanche s’accordent pour identifier l’Iran et ses mandataires comme la principale menace pour la stabilité du Moyen-Orient, en particulier après la signature des accords avec Israël, les Émirats arabes unis et Bahreïn comme protagonistes (et un «feu vert» saoudien). Le second: le dossier iranien sera au cœur des entretiens de Pompeo à Rome, où il verra le Premier ministre Giuseppe Conte et le ministre des Affaires étrangères Luigi Di Maio, nous explique Gabriele Carrer dans les colonnes du quotidien «Formiche.net».
La demande de Washington est bien connue: mettre fin à la distinction entre les bras politique et militaire du groupe libanais pro-iranien et désigner l’ensemble de l’organisation comme terroriste. En avril, c’est l’Allemagne qui a été la première en Europe à interdire toutes les activités du Hezbollah (après avoir sanctionné Mahan Air, la compagnie aérienne iranienne des Pasdaran, visée aussi par les États-Unis pour terrorisme). C’est aussi cette action qui a mis fin à certaines ambiguïtés, que Berlin a renforcé sa position vis-à-vis de Washington en tant que négociateur crédible avec Téhéran.
LES RÉVÉLATIONS AMÉRICAINES
La semaine dernière, lors d’un briefing auquel « Formiche.net » a participé, l’ambassadeur Nathan Sales, coordinateur de la lutte contre le terrorisme au Département d’État américain, a révélé que depuis 2012 « le Hezbollah a déplacé d’importants stocks de nitrate d’ammonium utilisé pour fabriquer des bombes, à travers la Belgique, la France, la Grèce, l’Italie, l’Espagne et la Suisse ». Pourquoi ? « La réponse est simple. Le Hezbollah peut mener des attaques terroristes majeures à chaque fois que ses maîtres à Téhéran le jugent nécessaire », a répondu l’ambassadeur.
En outre, « d’importants dépôts de nitrate d’ammonium ont été découverts ou détruits en France, en Grèce et en Italie », a-t-il dit, soulignant que les Etats-Unis ont « des raisons de croire que cette activité est toujours en cours ». En 2018, on pensait que les dépôts de nitrate d’ammonium étaient toujours présents dans toute l’Europe, « peut-être en Grèce, en Italie et en Espagne ».
TRAFIC DE HEZBOLLAH EN EUROPE …
Un porte-parole du Département d’État a déclaré à « Formiche.net » que «l’implication du Hezbollah dans des projets terroristes et d’autres activités en Europe ces dernières années est bien documentée, y compris son utilisation de nitrate d’ammonium pour préparer des engins explosifs». Voici quelques exemples cités par la diplomatie américaine interrogée par « Formiche.net »:
- Plus tôt cette semaine, un tribunal bulgare a condamné par contumace deux membres du Hezbollah pour leur rôle dans l’attentat de Burgas en 2012, dans lequel six personnes ont perdu la vie et douze ont été blessées.
- Des membres du Hezbollah ont également été condamnés par des tribunaux chypriotes en 2012 et 2015 pour deux faits distincts, dont l’un impliquait le stockage de plus de huit tonnes de nitrate d’ammonium.
- Toujours en 2015, les autorités britanniques ont arrêté un agent du Hezbollah qui avait stocké 12.500 kits de premiers secours dans un garage londonien, contenant plus de trois tonnes de nitrate d’ammonium ».
- Enfin, le porte-parole a rappelé que lors du forum du Comité juif américain au cours duquel l’ambassadeur Sales a fait l’annonce, Hans-Georg Engelke, secrétaire d’État allemand au ministère de l’Intérieur, a confirmé que le Hezbollah avait stocké du nitrate de d’ammonium dans le sud de l’Allemagne et que la quantité « inquiète sérieusement » les autorités allemandes.
- La France et l’Espagne ont répondu aux révélations de l’Ambassadeur Sales en affirmant n’avoir aucune preuve à l’appui, mais n’ont pas nié que l’organisation libanaise a transporté et stocké du nitrate d’ammonium sur le sol européen dans le passé. Cependant, aucune réponse officielle n’est encore venue d’Italie.
… ET EN ITALIE
En ce qui concerne les explosifs du Hezbollah en Italie, l’esprit remonte à il y a 10 ans: en 2010 dans un conteneur d’un navire amarré dans le port de Gioia Tauro, sept tonnes de T4 à destination du Hezbollah ont été découvertes. Les bombes utilisées dans les massacres mafieux de 1992 et 1993, ont également été emballées à partir de cet explosif, parmi celles dans lesquelles (les juges) Giovanni Falcone et Paolo Borsellino ont été tués et dans les attentats de Milan, Rome et Florence, mais aussi dans la catastrophe d’Ustica et dans les massacres de la gare de Bologne et celle du (train, Ndlr) Rapido 904.
À cette occasion, on a émis l’hypothèse que le lien entre les terroristes libanais et la « Ndrangheta » (fraude et complot), était revenu au premier plan l’année dernière après l’assaut donné à « Reggio de Calabre (opération Edera) » par lequel un trafic international de drogue a été démantelé. En 2015, cependant, une enquête coordonnée par le procureur Antonio Rinaudo, avec la collaboration du FBI et Europol, pour blanchiment d’argent par le Hezbollah, a porté sur un mouvement de capitaux égal à 70 millions d’euros dans le Piémont, la Ligurie et la Toscane.
DANS LES DERNIERS MOIS
Entre janvier et février, il y a eu le cas du navire battant pavillon libanais « Bana », libéré il y a un mois après avoir été arrêté dans le port de Gênes en février à la suite d’une plainte d’un marin concernant l’embarquement de chars, de mitrailleuses et d’autres armes de guerre dans le port turc de Mersin destinées à Fayez Al Serraj en Libye. Concernant ce navire et cette cargaison, « openFacto.fr » a révélé un lien possible entre le propriétaire du navire et un citoyen libanais, Ali Abou Merhi, qui pendant deux ans, entre 2015 et 2017, s’est retrouvé sous sanctions américaines pour soutien logistique aux trafiquants de drogue liés au Hezbollah.
Enfin, en juillet, 84 millions de comprimés portant le logo « Captagon » avait été saisis par la Guardia di Finanza de la commune de Salerno, la soi-disant «drogue du jihad» qui semblait initialement être produite par l’État islamique. Mais, comme le révèle le site « Formiche.net », «le groupe ne dispose pas de capacités techniques (sites de production et de logistique) pour d’importantes quantités. Le marché de la drogue au Moyen-Orient est en effet contrôlé par les réseaux structurés, comme ceux du Hezbollah, désormais spécialisé dans ce domaine depuis une dizaine d’années».
QUE FAIRE MAINTENANT ?
Les Etats-Unis ont changé de politique. Ils ont laissé derrière eux les embarras du cas du Hezbollah qui ont frappé l’ancien président Barack Obama lorsqu’il a demandé à fermer les yeux sur les trafics du « parti Chiite » afin de ne pas irriter Téhéran à quelques semaines de la signature du JCPOA (l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, Ndlr). Depuis que Donald Trump est sorti de l’accord nucléaire, la pression sur le Hezbollah et l’Iran s’est accrue. La règle a changé et il suffit de regarder le cas allemand pour s’en convaincre: la pression sur les mandataires de Téhéran (c’est-à-dire l’endiguement de l’expansionnisme iranien) peut ouvrir la voie à des négociations pour un nouvel accord. L’Italie choisira-t-elle de suivre l’exemple de l’Allemagne ?