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France : Bataclan, des fuites au procès, retour sur les années qui ont suivi la tragédie

(Rome, Paris, 13 novembre 2025). Six ans après les attentats du 13 novembre 2015, la France a jugé les responsables du massacre qui a ensanglanté Paris et notamment la salle du Bataclan. De la traque des terroristes à travers l’Europe au procès historique ouvert en 2021, retour sur une enquête tentaculaire, marquée par des mois de fuites, d’arrestations et par la condamnation à perpétuité de Salah Abdeslam, dernier survivant du commando

Il est 1h00 du matin, le 13 novembre 2015. Les forces spéciales de la police française parviennent à pénétrer dans le Bataclan. Les terroristes islamistes responsables du massacre de la salle de concert (Omar Ismail Mostefai, Samy Amimour et Foued Mohamed-Aggad) ont été tués. Les kamikazes qui se sont fait exploser près du Stade de France cette nuit-là sont également morts, ainsi que Brahim Abdeslam, membre du commando qui a attaqué des bars et restaurants dans les 10e et 11e arrondissements de la capitale. Mais son frère, Salah, et deux autres auteurs des attentats, Chakib Akrouh et Abdelhamid Abaaoud, sont encore en fuite.

Compte tenu des liens du commando avec l’État islamique et du fait que certains terroristes provenaient de Belgique, écrit Filippo Jacopo Carpani dans la quotidien italien «Il Giornale», les enquêteurs français ont immédiatement soupçonné l’existence d’un réseau bien plus vaste, s’étendant même au-delà des frontières nationales. Les investigations, menées avec la participation des autorités belges, ont duré plusieurs mois et, en septembre 2021, ont conduit à la comparution devant un tribunal parisien d’une vingtaine de personnes, lors du plus grand procès de l’histoire moderne du pays.

Le raid de Saint-Denise

Au lendemain des attentats, la police française a mené des centaines de perquisitions à travers le pays. Le 15 novembre, deux jours après les attaques, la Seat noire utilisée par le trio ayant ouvert le feu dans les bars parisiens a été retrouvée à Montreuil. À l’intérieur, les policiers ont découvert plusieurs armes, dont un AK-47 portant les empreintes d’Abdelhamid Abaaoud, considéré comme le chef de la cellule terroriste et ayant des liens étroits avec le quartier de Molenbeek-Saint-Jean, commune belge de la région bruxelloise réputée pour la propagation de l’idéologie djihadiste.

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Le 18 novembre, le GIGN, unité d’élite antiterroriste française, a mené un raid dans un appartement de Saint-Denis, en banlieue parisienne, où Abaaoud et Chakib Akrouh s’étaient réfugiés. Ils y avaient été aidés par la cousine d’Abaaoud, Hasna Aitboulahcen, dont le téléphone était sur écoute depuis le 13 novembre et qui avait loué le logement à Jawad Bendaoud, jugé étranger aux faits.

Les échanges de tirs dans l’immeuble ont été intenses : plus de 5.000 balles ont été tirées et le bâtiment a été partiellement détruit par les grenades des policiers et les ceintures explosives des terroristes. Après sept heures de combat, l’opération a été déclarée terminée. Parmi les décombres, le GIGN a retrouvé les restes des deux fugitifs et de Hasna, ainsi que les plans d’un nouvel attentat dans le quartier financier de La Défense à Paris.

L’évasion et l’arrestation de Salah Abdeslam

Il devait lui aussi se faire exploser, mais finalement, il a décidé de jeter sa ceinture explosive dans une poubelle et s’est enfui en Belgique. Après le raid de Saint-Denis, Salah Abdeslam est le dernier survivant du commando encore en liberté. Selon les enquêteurs français, il a conduit en voiture les trois terroristes (kamikazes) chargés d’attaquer le Stade de France, et devait lui-même perpétrer un attentat un peu plus au sud, dans le 18e arrondissement. Il avait également loué une Volkswagen Polo, retrouvée près du Bataclan. Quelques heures après les attentats de Paris, le jeune homme de 26 ans a été interpellé à la frontière belge au volant d’une Golf avec deux autres hommes. Après un simple contrôle, les policiers l’ont laissé passer. Selon toute vraisemblance, ces derniers ne l’avaient pas encore relié aux attentats.

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Le 10 novembre, dans le quartier de Schaerbeek, les autorités bruxelloises ont retrouvé ses empreintes digitales, des traces de matériel servant à la fabrication d’explosifs et trois ceintures similaires à celles utilisées par les kamikazes. Le 15 mars 2016, une opération a été menée dans un immeuble de Forest, en banlieue sud de Bruxelles. Une fusillade a éclaté, faisant quatre blessés parmi les forces de l’ordre et la mort d’un Algérien lié à l’État islamique. Deux personnes ont réussi à s’échapper, et les empreintes digitales de Salah Abdeslam ont également été retrouvées sur place. Trois jours plus tard, après quatre mois de cavale, il a finalement été arrêté à Molenbeek.

Autres arrestations en Belgique, au Maroc et en Turquie

Dans les mois qui ont suivi les attentats de Paris, les autorités européennes – et d’autres pays – ont poursuivi sans relâche leurs recherches intensives pour retrouver toutes les personnes liées au commando. En Belgique, Mohammed Amri, 27 ans, et Hamza Attouh, 21 ans, les deux hommes qui ont secouru Abdeslam après les attentats et l’ont ramené à Bruxelles, ont été arrêtés. Abraimi Lazez, 39 ans, également soupçonné d’avoir aidé Salah à fuir la France, a été arrêté à Laeken. Mohamed Abrini, arrêté pour complicité avec les auteurs des attentats du 22 mars 2016, était également recherché pour son implication dans les attentats du 13 novembre 2015.

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Ahmad Dahmani, 26 ans, de nationalité belge, a été arrêté en Turquie à son arrivée à Antalya. Selon les enquêteurs, il a participé à la planification des attentats dans la capitale française. Au Maroc, les autorités ont arrêté Gelel Attar, un autre citoyen ayant des liens directs avec Abdelhamid Abaaoud et Chakib Akrouh. Avec ce dernier, il s’était rendu en Syrie en 2013.

Le plus grand procès de la France moderne

Le 8 septembre 2021, après près de six ans et plusieurs reports dus à la Covid-19, le méga-procès des attentats de Paris, surnommé V13, s’est ouvert. Sur les 20 accusés devant la Cour d’assises spéciale de Paris, 14 étaient présentes. Les autres étaient présumées mortes au Moyen-Orient, où le conflit contre l’État islamique faisait rage. Dans la salle d’audience aménagée pour l’occasion au Palais de Justice de l’Île de la Cité, qui servira également pour le procès de l’attentat de Nice en juillet 2016, près de 1.800 témoins se sont constitués partie civile, dont l’ancien président François Hollande, et plus d’un million de pages de pièces à conviction ont été examinées.

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Au fil des mois, Salah Abdeslam, la «star» du procès et le seul présent à avoir fait partie du commando, a radicalement changé d’attitude. Dans un premier temps, il affichait une fierté d’avoir été un «combattant de l’État islamique» et exerçait son droit au silence. Le 9 février 2022, il rompit le silence pour la première fois, déclarant n’avoir tué personne dans la nuit du 13 novembre 2015, tout en réitérant son soutien à Daech. Le 12 avril, il prétendit ne pas avoir actionné sa ceinture d’explosifs dans un bar du 18e arrondissement «par humanité». Il pleura et présenta ses excuses aux familles des victimes. Des excuses jugées insuffisantes.

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Le 29 juin 2022, après 148 jours d’audience, 19 des 20 accusés furent reconnus coupables de tous les chefs d’accusation. Adbeslam a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité incompressible, tandis que les autres complices ont écopé de peines allant de deux ans à la perpétuité. Sur le papier, un triomphe pour la justice française et la conclusion définitive de l’un des événements les plus marquants de son histoire récente.

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Mais la douleur de ceux qui ont perdu un être cher dans les massacres, survécu aux attaques, ne peut être effacée par un verdict. Encore aujourd’hui, certaines blessures restent ouvertes. Et peut-être ne guériront-elles jamais.

«Si le procès des attentats du 13 novembre a marqué la fin d’un long chapitre judiciaire, il n’a pas mis un terme à la menace terroriste qui plane toujours sur la France», nous confie un expert italien.

Malgré les coups portés à l’État islamique et le renforcement des dispositifs de sécurité, l’hexagone reste une cible privilégiée pour les mouvements djihadistes et les individus radicalisés. Les récentes attaques isolées, souvent menées au nom d’une idéologie islamiste, rappellent que le terrorisme a changé de visage mais pas sa mission, sans disparaître. Pour les victimes et leurs proches, comme pour l’ensemble de la société française, la lutte contre la haine et le fanatisme demeure un combat quotidien, inscrit désormais dans la mémoire collective du pays.

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