(Rome, 22 septembre 2025). Face à un déficit budgétaire record et à l’effondrement de ses revenus pétroliers, Moscou s’apprête à relever la TVA de 20 % à 22 %. Une mesure impopulaire, mais jugée indispensable par le Kremlin pour financer l’effort de guerre et maintenir l’appareil d’État, au risque d’étrangler encore davantage ménages et entreprises
Avec un déficit avoisinant les 62 milliards et près de deux raffineries sur dix hors service à cause des frappes ukrainiennes, le moment semble opportun pour le Kremlin de relever la TVA à 22 %. Après des semaines de rumeurs, le coup de massue prend forme. Et les banques en paieront aussi le prix, écrit Gianluca Zapponini dans son décryptage dans «Formiche.net».
Finalement, ce n’était qu’une question de semaines. Le ton avait été donné dès juillet dernier. Le Kremlin, sans trop réfléchir, avait décidé que ceux qui devaient payer des dettes fiscales devraient tout régler immédiatement. Et ce, sans passer par une décision de justice, ni par un accord transactionnel. C’était l’effet collatéral, et non le moindre, de l’effondrement progressif de l’économie russe, écrasée par les sanctions (le paquet européen numéro 19 est en route) et confrontée à une forte baisse des ventes de pétrole.
De plus, les attaques ciblées de l’Ukraine ont paralysé environ 17 % de la capacité de raffinage du pays, provoquant une flambée des prix du carburant et des pénuries sur tout le territoire. À cela s’ajoutent une inflation à deux chiffres, une contraction du PIB et des taux d’intérêt élevés qui asphyxient les ménages et les entreprises. Certes, il y a l’Inde et la Chine, alliés de Moscou, qui achètent du pétrole, mais à bas prix, voire avec d’importantes remises.
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Cela impacte inévitablement les recettes de l’Etat. Dès lors, une augmentation des impôts apparaît inévitable. Sans augmentation des recettes, non seulement il sera impossible de poursuivre la guerre contre l’Ukraine, mais il sera même impossible de maintenir le fonctionnement de l’appareil d’État, qui compte 1,5 million de fonctionnaires, un chiffre qui a augmenté d’environ 50 % au cours des 20 dernières années. Surtout, le déficit public pourrait atteindre 62 milliards de dollars en 2025, un niveau intenable sans nouvelles recettes. Avec plus de 40 % du budget consacré à la défense, Moscou se voit contraint de sacrifier les dépenses sociales et les investissements civils. En bref, l’unique option viable semble être l’augmentation des impôts, notamment la TVA, que les économistes qualifient de taxe la plus prédatrice car elle affecte directement les consommateurs. Le risque d’impopularité serait inévitablement imminent pour Vladimir Poutine.
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Les services secrets ukrainiens eux-mêmes en sont plus que convaincus. Malgré les promesses publiques de Poutine de ne pas augmenter la pression fiscale, les autorités envisagent déjà de relever le taux de TVA de 20 % à 22 %. Bien que cette décision contredise les déclarations précédentes, elle est inévitable : il n’y a plus aucune mesure à prendre pour réduire les dépenses : ni les programmes militaires ni les programmes sociaux ne sont sérieusement remis en question. La TVA reste la principale source de recettes du budget fédéral : en 2024, elle représentait près de 37 % des entrées, soit 13.500 milliards de roubles. Le taux de TVA avait déjà été modifié pour la dernière fois en 2019, passant de 18 % à 20 %. Mais pour réduire le déficit et préserver la règle budgétaire, le gouvernement n’a d’autre choix que de recourir à nouveau à cette mesure. D’autres impôts ont déjà été relevés, mais leur effet est limité. Le déficit attendu pour la fin 2025 oscille entre 5.000 et 8.000 milliards de roubles, ce qui rend totalement irréaliste l’objectif de 2.200 milliards de roubles (0,9 % du PIB) prévus pour 2026. Qui paiera la facture ?
Les banques seront les premières touchées, non pas tant par la hausse de la TVA que par le durcissement fiscal global à venir : un projet de loi a été déposé à la Douma proposant une taxe exceptionnelle de 10 % sur les établissements de crédit. Le mécanisme de calcul reproduit le modèle de 2023, lorsqu’une taxe similaire sur les grandes entreprises avait rapporté 315 milliards de roubles au budget. Les banques devraient contribuer à hauteur de 200 milliards de roubles supplémentaires, une somme dérisoire par rapport au déficit global. Ironie du sort, il y a quelques semaines, German Gref, PDG de Sberbank, (première banque russe et figure majeure de la finance nationale), évoquait ouvertement la stagnation de l’économie nationale, avertissant que, sans une baisse marquée des taux d’intérêt de la Banque centrale, la Russie risquait de glisser dans la récession. Désormais, c’est le poids des impôts qui s’annonce.
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Selon certains économistes, Moscou durcit son régime fiscal dans une manœuvre désespérée, qui pourrait peser lourdement sur la population. Ainsi, la Russie envisage une refonte de son système fiscal. Parallèlement, le gouvernement promet des mesures ciblées et progressives.