(Rome, Paris, 24 mars 2025). Donald Trump est simplement le dernier à commettre l’erreur de considérer le Tsar comme un ami
«Vladimir Poutine n’a pas l’intention de conquérir toute l’Europe. Ce n’est pas une mauvaise personne et il est très intelligent». L’auteur de cette «brillante» série de déclaration n’est ni le barman du coin, ni un blogueur pro-russe, et encore moins un troll de la célèbre fabrique de mensonges de Saint-Pétersbourg, conçue pour manipuler nos opinions publiques. Malheureusement, la personne qui a prononcé cette phrase est Steve Witkoff, nommé par le président des États-Unis pour le représenter dans la gestion des crises comme celle de l’Ukraine.
Nous disons malheureusement, écrit Roberto Fabbri dans son décryptage dans le quotidien «Il Giornale», car personne ne doute que Poutine est très intelligent, mais cela ne garantit en rien qu’il ne soit pas une mauvaise personne. Il est approprié, dans de nombreux cas, de parler à juste titre de «génies maléfiques», et l’histoire récente de la Russie, de Lénine à Staline, regorge d’exemples similaires. Quant au fait que Vladimir Poutine ne soit pas une mauvaise personne en soi, l’affirmer, relève soit de l’ignorance pure, soit de la mauvaise foi : nous parlons de la personne qui a fait assassiner des héros de notre temps comme Anna Politkovskaïa et Alexeï Navalny, ou encore ceux qui ont osé s’opposer politiquement à lui comme Boris Nemtsov et Boris Berezovski, sans oublier l’homme courageux Alexandre Litvinenko avec du polonium radioactif.
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C’est aussi l’homme qui a supprimé la liberté d’expression dans son pays en fermant arbitrairement des chaines de télévision, des journaux et des stations de radio indépendantes et en emprisonnant des centaines d’opposants (y compris des mineurs), sinon pire qu’à l’époque de l’URSS. C’est celui qui a pris les tensions ethniques dans le Donbass comme prétexte pour envahir et dévaster pendant trois ans un pays, l’Ukraine, qui voulait choisir librement ses amis et alliés. Sans même mentionner l’enlèvement de milliers de mineurs ukrainiens et bien d’autres atrocités.
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Donald Trump choisit ses collaborateurs parmi ceux qui ne font que lui dire «oui», et ceux qui risquent, s’ils commencent à dire «non» comme le prédécesseur de Witkoff, Keith Kellogg, un renvoi rapide. Il écoute aussi très (trop) volontiers des conseillers comme Curtis Yarvin qui l’exhorte à «laisser Poutine faire ce qu’il veut en Europe», avec l’objectif à peine dissimulé d’établir de gentils régimes traditionalistes dans les pays européens, alignés sur un nouvel axe (bicéphale, Ndlr) russo-américain. C’est dans ce contexte qu’évolue Witkoff, exécutant sa mission d’«apaisement» au service d’un président convaincu d’être plus rusé que le vieux charmeur de serpents, le maître du Kremlin. Sans atteindre les excès d’aujourd’hui, Poutine a depuis longtemps l’art de duper les présidents américains : une véritable «archéologie du présent», comme l’aurait dit Sebastiano Vassalli.
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Son habileté à identifier les points faibles de ses interlocuteurs et à leur offrir exactement ce qu’ils souhaitent entendre afin de se sentir flattés et enclins à lui faire confiance, remonte à son passé au KGB. Le premier à tomber dans le piège fut Bill Clinton, saluant encore en 2013 sa «relation sincère et franche» avec Poutine. George Bush Jr. s’est laissé séduire par l’histoire de la croix que la mère de Poutine lui avait offerte, le seul objet ayant survécu à l’incendie de leur maison, et que le président russe portait toujours autour du cou. Bush déclara alors qu’il avait «regardé au plus profond de son âme et avait vu un homme digne de confiance et sincère».
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Trump, dont les relations troubles avec la Russie remontent à 1987, reconnaît en Poutine un narcissique de la même trempe que lui. Mais son erreur fatale est de croire qu’il est plus habile que le maître du Kremlin, une erreur fatale que nous, Européens, risquons de payer très cher, quoi qu’en dise M. Witkoff.