(Rome, 09 janvier 2025). La prééminence de la question militaire sur les autres questions est évidente, mais il y a aussi d’autres questions qui ne peuvent être ignorées : Le système politique libanais doit être réformé, et une troïka mondiale ne peut pas le faire. Ce sont les Libanais qui doivent le faire
Deux faits fondamentaux émergent de l’élection du général Joseph Aoun comme nouveau président de la République. Le premier, est qu’au Liban aussi, le Président de la République, qui est élu par le Parlement, peut être désigné selon un processus similaire à celui que l’on observe dans d’autres pays ayant ce système. Autrement dit, on vote lors du premier tour ou des premiers scrutins avec un quorum donné, puis on revote avec un quorum différent et inférieur. Des décisions, des accords, des convergences se dégagent des négociations entre partis et députés. C’est ainsi que le général Joseph Aoun a été élu. Ce matin a eu lieu le premier tour, le général Aoun obtenant 71 voix, un score élevé mais insuffisant. Puis, lors du second scrutin, il a été élu, avec plus de voix, et un quorum plus faible, écrit Riccardo Cristiano dans «Formiche.net».
Cependant, depuis le 30 octobre 2022, date de la fin du mandat de son prédécesseur presque homonyme, Michel Aoun, non seulement aucune élection n’a eu lieu pendant plus d’un an, mais lors des 13 occasions où le Parlement a pu voter, après le premier tour exigeant le quorum le plus élevé, la séance électorale a été déclarée close, en annonçant que la prochaine commencerait à zéro. Selon plusieurs observateurs, cela s’est produit parce que certains partis, le Hezbollah et son parti allié (Amal) dirigé par le président du Parlement, quittaient les travaux parlementaires. Une explication opaque, c’est que pendant deux ans, la Constitution a été violée pour empêcher l’élection d’un chef de l’État, parce que le candidat recueillant le plus de suffrage n’était pas soutenu par ces deux partis, mais celui de l’opposition. Par conséquent, le président du Parlement a manipulé la Constitution pour servir ses dessins, se substituant au chef de l’État, avec un pouvoir judiciaire vacant, dans les négociations avec les États-Unis pour conclure le cessez-le-feu, un rôle qui ne lui revenait pas. Il avait l’intention d’imposer son propre candidat, mais les événements et la crise du Hezbollah l’en ont empêché.
Le deuxième fait majeur qui ressort est que le commandant en chef de l’armée Joseph Aoun accède à la présidence de la République en raison de la très forte pression des États-Unis, de la France et de l’Arabie saoudite. Ces puissances avaient besoin d’un homme capable, du haut de la République, d’appliquer les termes du cessez-le-feu signé le 27 novembre avec Israël, qui comprend des engagements précis et rigoureux, à mettre en œuvre rapidement, avant le 27 janvier, date d’expiration des deux mois de trêve, à l’issue duquel, si tout va bien, il y aura une cessation définitive des hostilités. Peu de progrès sont constatés, et il faut désormais accélérer le processus.
La priorité militaire et la nécessité de réformes
La prééminence de la question militaire est notoire, mais d’autres questions ne peuvent être ignorées. Le système politique libanais doit être réformé. Et ce n’est pas à la troïka mondiale composée des États-Unis, de la France et de l’Arabie saoudite de le réaliser, mais bien aux Libanais. Le système politique libanais est en ruine, le sectarisme n’est plus une garantie qu’aucune communauté ne sera exclue, ciblée, comme ce fut le cas pendant la guerre civile. Le processus de déconfessionnalisation prévu par la Constitution n’a jamais été entamé et les communautés sont désormais otages d’un système politique autonome, basé sur le partage des pouvoirs.
L’effondrement économique du pays illustre à quel point la situation est critique. La principale responsabilité incombe au Hezbollah, qui a pris le contrôle de la majorité gouvernementale et provoqué un défaut de paiement au mépris des institutions financières mondiales. Mais comment ? Le Liban, plongé dans une crise financière, a illégalement bloqué les comptes bancaires de tous les Libanais détenant des dépôts en devises étrangères, tout en permettant une fuite massive des capitaux à l’étranger. Ceux qui ont profité de cette situation appartiennent à la «caste», au pouvoir, qui en a tiré profit.
Il est tout à fait compréhensible que la question du cessez-le-feu et du désarmement du Hezbollah soit prioritaire, et cela ne doit pas occulter le besoin urgent de refondation politique du pays. Cette tâche nécessite une vision qu’il est difficile de demander à un militaire.
Une réforme prévue mais jamais appliquée
C’est la quatrième fois depuis la fin de la guerre civile en 1990 que le Liban confie sa destinée à un général. Et cela en dit long. Les partis sectaires n’ont plus rien à offrir aux Libanais, à part négocier des avantages pour leur clientèle. Ce confessionnalisme est un système extrêmement résistant aux réformes, car il prétend garantir la paix et l’inclusion, alors qu’il ne garantit que les intérêts d’une caste qui s’est accaparé la représentation du pays.
La réforme, pourtant, est inscrite dans les accords de paix de 1990. Elle constituerait un signal important pour l’ensemble du monde arabe.
Elle prévoit un système électoral mixte : une Chambre haute, le Sénat, élue sur une base confessionnelle et assurant l’égalité entre chrétiens et musulmans, afin de garantir l’inter-confessionnalisme et d’éviter l’exclusion de toute communauté. C’est indispensable. Mais à la Chambre basse, le vote se ferait comme dans d’autres démocraties, avec des partis politiques interconfessionnels, permettant de construire des alliances basées sur des idées et des convictions politiques. Cela est aussi indispensable
Cependant, ce n’est pas la communauté internationale qui peut imposer cette réforme, qui est déjà inscrite dans la Constitution. Et le système l’a toujours empêchée. D’abord par la complicité des Assad (père et fils), qui la redoutaient, et aujourd’hui par un système devenu son propre ennemi.