(Rome, Paris, 18.11.2023). Téhéran aurait enrichi suffisamment d’uranium pour fabriquer trois bombes atomiques. La diplomatie internationale paralysée à cause de la guerre contre le Hamas et des prochaines élections américaines
Le programme nucléaire iranien s’accélère. Alors que la guerre d’Israël contre le Hamas entre dans une nouvelle phase et que les attaques sur plusieurs fronts contre l’État hébreu menées par les mandataires de Téhéran se multiplient, le régime des ayatollahs profite du chaos dans la région pour réaliser des progrès décisifs dans la mise au point d’armes nucléaires. Un scénario qui, même pour Rafael Grossi, chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), risque de faire de l’Iran la Corée du Nord du Moyen-Orient, nous explique Valerio Chiapparino dans les lignes du quotidien «Il Giornale».
Les nouvelles alertes
Ces dernières heures, Reuters a pris connaissance de rapports établis par l’AIEA selon lesquels le régime iranien dispose désormais d’une quantité d’uranium enrichi suffisante pour la construction de trois bombes nucléaires. Malgré les dénégations de Téhéran, pour les pays occidentaux, le processus d’enrichissement réalisé ne serait pas compatible avec un usage civil qui, par ailleurs, se poursuivrait sans relâche.
Une première alerte sur les projets du régime du président Ebrahim Raïssi est survenue en septembre, à la veille des attentats perpétrés par le Hamas qui présenteraient d’importantes traces d’un lien avec l’Iran, lorsque les inspecteurs de l’agence des Nations Unies se sont vu retirer les accréditations dont ils avaient besoin pour mener les contrôles prévus dans le pays. Huit experts de nationalité française et allemande ont été visés.
A lire : Le Mossad met en garde l’Iran : Israël peut atteindre «le niveau le plus élevé»
«La position de l’Iran est non seulement sans précédent mais elle est sans aucun doute contraire à la coopération demandée», peut-on lire dans un rapport confidentiel de l’AIEA obtenu par l’AFP. La même source rapporte qu’à fin octobre, les stocks d’uranium enrichi s’élevaient à 4.486,8 kg (ils étaient de 3.795,5 kg en août) soit plus de 22 fois la limite fixée par l’accord international de 2015 sur le programme atomique de Téhéran. Un dispositif, fortement soutenu par le président américain Barack Obama mais abandonné par son successeur Donald Trump en 2018, qui lie l’assouplissement des sanctions contre le régime au respect de certaines règles et paramètres surveillés par des équipes d’experts.
A lire : L’Iran dévoile son missile hypersonique
La révocation des permis n’est pas le seul élément suscitant de grandes appréhensions. En effet, l’agence onusienne a également dénoncé le non-respect par les Iraniens de leur engagement à réinstaller les systèmes de vidéosurveillance placés par l’AIEA dans certaines structures et supprimés l’année dernière par le régime des Ayatollahs ainsi que les explications peu convaincantes sur la présence de «particules multiples d’uranium» dans deux sites non déclarés.
La diplomatie en échec
Pour les chancelleries européennes, le vent de guerre au Moyen-Orient rend pratiquement impossible la recherche d’une solution au vieux dossier nucléaire iranien. « Il y a une sorte de paralysie, notamment chez les Américains qui ne veulent pas jeter de l’huile sur le feu », a confié à Reuters un responsable du Vieux continent. Et de fait, après les attaques du Hamas, une organisation également financée par l’Iran, et à moins d’un an des élections présidentielles, les États-Unis semblent disposer de peu d’outils pour ramener Téhéran sur la voie de la coopération avec l’Occident. Le seul langage utilisé par Washington à ce stade est celui de la dissuasion, un message transmis à travers le déploiement massif de forces militaires américaines dans la région prêtes à dissuader les Pasdaran d’entrer dans le conflit contre Israël.
Lire aussi : Nucléaire : un pacte à cinq. L’ONU préoccupée par l’Iran
Il y a quelques mois, un accord a fait grand bruit, garantissant le dégel de six milliards de dollars de fonds iraniens bloqués à cause des sanctions sur un compte bancaire sud-coréen en échange de la libération de certains citoyens américains accusés d’espionnage. La conclusion de cet accord a été perçu par l’administration dirigée par Joe Biden comme un signe timide mais encourageant de la volonté de Téhéran d’apaiser les tensions qui ont alimenté les relations difficiles entre les deux pays depuis la révolution théocratique de 1979.
A lire : L’Iran est-il proche d’un accord lié au dossier nucléaire avec les États-Unis ?
Pendant ce temps, en Israël, en guerre contre les organisations pro-iraniennes présentes non seulement dans les Territoires palestiniens, mais aussi au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen, le «Jerusalem Post» rappelle que plus encore que le Hamas, c’est Téhéran qui représente une réelle menace existentielle pour l’État hébreu et se demande si l’AIEA et le Mossad sont réellement conscients de tous les progrès, déjà inquiétants, du programme nucléaire du régime Raïssi.