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La paix «s’installe» entre la Syrie et les pays arabes. La colère des États-Unis

(Rome, Paris, 02.05.2023). Qui ne perd pas gagne. Tel pourrait être, après douze cruelles années de solitude, l’uniforme de Bachar al Assad, le président d’une Syrie torturée, divisée, ensanglantée mais qui n’est plus (et c’est la nouveauté géopolitique) isolée, méprisée ni proscrite. Le 18 avril dernier, le dirigeant syrien recevait à Damas dans son palais de style moscovite (héritage du lointain flirt pro-soviétique du défunt père Hafez al Assad) rien de moins que le prince Fayçal Ben Farhan, le chef de la diplomatie saoudienne. L’ennemi juré d’hier et d’avant-hier est arrivé en agitant des rameaux d’olivier, cette fois-ci, sous forme d’aide économique à la reconstruction, et avec l’engagement officiel, onze ans après son expulsion, de réintégrer la Syrie dans la Ligue arabe. Assad sera probablement déjà présent – malgré les perplexités du Qatar et du Koweït – à la prochaine rencontre interarabe, prévue à Riyad le 19 mai, et sera bientôt l’invité officiel du royaume des Saoud. Pour mémoire, la visite Damascène a été précédée d’une rencontre à Djeddah entre les dirigeants de la monarchie pétrolière et le ministre syrien des Affaires étrangères Fayçal al-Mekdad pour l’annonce conjointe du rétablissement des relations diplomatiques et des liaisons aériennes entre les deux pays.

Pour sceller l’accord, comme le précise le communiqué, les deux gouvernements se sont solennellement engagés à faciliter – grâce aux fonds saoudiens – le retour dans leur patrie des réfugiés syriens (six millions dispersés dans le monde) et à créer les « conditions d’un processus de réconciliation nationale ». Un travail intense qui confirme une nouvelle fois la nouvelle posture internationale de l’Arabie saoudite après l’accord historique avec l’Iran parrainé par la Chine et le début des négociations pour la fin de la guerre au Yémen, comme l’explique Marco Valle dans son analyse dans les colonnes du quotidien «Il Giornale/Inside Over».

A lire : Comment Bachar al-Assad séduit-il les monarchies du Golfe pour contrecarrer les ambitions de la Turquie ? Une cohabitation entre Arabes sunnites et Iraniens chiites en Syrie est-elle possible ? (28 février 2020)

La normalisation avec Damas s’inscrit dans le nouvel activisme régional voulu par le prince héritier Mohammad Ben Salman (MBS pour les amis et les détracteurs) dans une logique de plus en plus autonome et éloignée des volontés du vieille ami américain et pose certainement une pierre tombale sur les convulsions déclenchées par l’infâme « printemps arabe » de 2011 béni par Barack Obama (et largement promu et financé par les puissances occidentales).

Officiellement, Washington a passé cette nouvelle sous silence, mais selon les analystes les plus attentifs, l’agacement de la Maison Blanche est à son comble. Les nouvelles relations de Riyad avec Pékin, la neutralité bienveillante saoudienne à l’égard de la Russie, et aujourd’hui le nouveau sentiment enevrs le régime de Damas démantèlent une fois de plus les plans de « normalisation » américaine au Moyen-Orient. Pour l’heure, MBS semble imperturbable et insensible aux maux de ventre et de tête d’outre-Atlantique, et poursuit son chemin. Aux yeux du prince, la stabilisation de la zone sous-direction saoudienne est un élément central du plan de sa réforme interne « Vision 2030 » et lors de la dernière réunion du Conseil de coopération du Golfe (à laquelle participaient les ministres des Affaires étrangères d’Egypte, d’Irak et de Jordanie) il a établi une feuille de route valable pour tous : si Damas veut reprendre ses réfugiés et intensifier la lutte contre le narcotrafic (la Syrie est le centre de production du Captagon, une amphétamine qui sévit dans tout le monde arabe), en contrepartie, la bataille contre le terrorisme fondamentaliste doit être intensifiée et l’ingérence étrangère en Syrie doit cesser. À cet égard, toute référence aux Iraniens est voulue, tout comme l’arrêt de l’aide des différentes monarchies pétrolières à l’opposition sunnite syrienne.

A lire : Liban: appel à l’ONU et à la Ligue arabe pour rapatrier les réfugiés syriens chez eux

Un signal clair. Après les Émirats arabes unis, la Jordanie et l’Égypte, la Tunisie a également annoncé la semaine dernière le rétablissement complet des relations diplomatiques avec Damas. Bachar al Assad est à nouveau à la fois présentable et accueillant. Et Marco Valle de conclure : avec tout le respect que je dois à Joe Biden.

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