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Syrie: crime contre l’humanité, trois hauts responsables du régime renvoyés devant la justice française

(Rome, 04.04.2023). Deux juges d’instruction ont ordonné que les hauts responsables syriens soient jugés aux assises pour la mort de deux citoyens franco-syriens, Mazen Dabbagh et son fils Patrick, arrêtés en 2013

Ali Mamlouk, Jamil Hassan et Abdel Salam Mahmoud, très hauts placés dans l’appareil répressif du régime de Bachar Al-Assad, ont été visés ce mardi 4 avril par une mise en accusation devant la Cour d’assises de Paris pour la mort de deux citoyens franco-syriens. Dans l’acte d’accusation, consulté par l’AFP, rapporte le quotidien «Al Qods al-Arabie», deux juges ont requis un procès pour complicité de crimes contre l’humanité et crime de guerre contre les responsables susmentionnés ; Ali Mamlouk (chef du bureau de la Sécurité nationale syrienne et numéro deux du régime), Jamil Hassan (directeur du service de renseignement de l’armée de l’air, également visé par un mandat d’arrêt allemand) et Jamil Hassan (directeur du service de renseignement de l’armée de l’air, visé aussi par un mandat d’arrêt allemand).

Le parquet a ouvert une enquête préliminaire en 2015, puis une information judiciaire a été ouverte dans les affaires de disparition forcée et d’actes de torture constitutifs de crimes contre l’humanité en octobre, après un signalement du frère et de l’oncle du disparu, Obeida Dabbagh, ayant déposé plainte en 2016.

Patrick Dabbagh, un Franco-Syrien âgé de 20 ans à l’époque qui étudiait à l’Université (Collège des Arts et Sciences Humaines) de Damas et résidait dans la banlieue de la capitale syrienne, et son père, âgé de 57 ans détenant également de la double nationalité, était conseiller pédagogique principal au Lycée français de Damas, ont été arrêtés en novembre 2013 par des agents qui disaient appartenir au service de renseignement de l’armée de l’air syrienne, en vue d’être interrogés.

Selon le beau-frère de Mazzen Dabbagh, arrêté en même temps mais relâché deux jours plus tard, les deux hommes avaient été transférés à la prison d’al-Mezzeh, dénoncée comme le principal centre de torture du régime.

Les deux hommes n’ont plus donné signe de vie jusqu’à être déclarés morts par le régime en août 2018. Selon les actes de décès, Patrick Dabbagh serait mort le 21 janvier 2014 et son père Mazzen, le 25 novembre 2017.

Lors des investigations, de nombreux témoins, dont plusieurs déserteurs de l’armée syrienne et des anciens détenus d’al-Mezzeh, ont détaillé aux enquêteurs français et à l’ONG Commission internationale pour la justice et la responsabilité (CIJA) les tortures infligées dans cette prison, où les deux détenus avaient subi des coups de barres de fer sur la plante des pieds, des décharges électriques et d’arrachage des ongles.

« Ce serait le premier procès en France qui concernerait la Syrie, il est primordial qu’il se tienne dans un délai proche. On espère qu’il aura lieu l’année prochaine », a réagi l’avocate Clémence Bectarte, qui représente la famille des disparus, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et le Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression (SCM).

Avec cette décision, la France suit timidement les pas de l’Allemagne, pionnière dans la lutte contre les exactions commises par des proches du régime Assad, souligne le quotidien libanais L’Orient-Le Jour (OLJ). Dans un verdict historique rendu le 13 janvier 2022, le tribunal régional de Coblence (Ouest de l’Allemagne) avait condamné à perpétuité pour crimes contre l’humanité l’ex-colonel des services de renseignements syriens, Anouar Raslan, reconnu coupable de 27 meurtres et de tortures sur des milliers d’autres personnes ainsi que de violences sexuelles et d’autres crimes. Il s’agissait de la deuxième fois que Berlin traite des affaires liées à des crimes perpétrés pendant le conflit civil en Syrie.

A lire : Allemagne: nouveau procès contre un Syrien accusé de crimes contre l’humanité

Le procès comprenait en effet également Ayad al-Gharib, un autre officier du renseignement mais de rang inférieur, condamné, le 24 février 2021, à quatre ans et six mois de prison. Al-Gharib, en particulier, a été accusé d’avoir arrêté des groupes de manifestants syriens au début des manifestations de 2011 et de les avoir transférés au centre de détention d’al-Khatib, où ils ont été torturés.

Des affaires judiciaires rendues possible grâce au mécanisme de la « compétence universelle » qui existe dans plusieurs pays européens et qui n’est pas conditionnée en Allemagne à la présence ou à la résidence habituelle de l’accusé sur le territoire national, contrairement à la France. De nombreux observateurs soutiennent ainsi que Paris applique une interprétation restrictive de la compétence universelle, à laquelle s’ajoute un manque de volonté politique pour traduire en justice les bourreaux syriens. « Il ne s’agit pas dans le cadre de l’Affaire Dabbagh de la compétence universelle, c’est précisément en raison de la nationalité française des victimes que cette enquête a pu être ouverte et que de si hauts niveaux de responsabilité ont pu être visés, explique Clémence Bectarte. Néanmoins, on espère que ce procès ouvrira la voie à d’autres mises en accusation », rapporte encore le quotidien libanais (OLJ).

Berlin avait appliqué le principe du droit international de compétence universelle, qui permet aux États ou aux organisations internationales de juger les auteurs de crimes graves, quelle que soit la nationalité de l’accusé ou le lieu où les crimes ont été commis.

S’agit-il d’un signal fort envoyé à tous les membres du régime ?

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