(Rome, 28.03.2023). Pour le Président Macron, une voie favorable sur la remise des terroristes à Rome aurait été politiquement commode. La gifle infligée par les juges a aussi une importante valeur dans les relations entre Paris et Rome
La décision de la Cour de cassation française de ne pas accorder l’extradition vers l’Italie de dix terroristes appartenant à l’extrême gauche, les Brigades rouges et autres, recherchés pour subversion et crimes de sang, est un coup politique sévère pour Emmanuel Macron. Le président qui, de la manière la plus claire, avait proposé à l’Italie un «tournant» en fermant, une bonne fois pour toutes, les conséquences de la «doctrine Mitterrand» et en s’engageant à livrer à Rome les terroristes exilés en France, subit un nouveau revers judiciaire, nous explique Andrea Muratore dans les colonnes du quotidien «Il Giornale».
Depuis près de deux ans, la justice française est allée à l’encontre de l’accord politique conclu par Emmanuel Macron et Mario Draghi en avril 2021.
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A cette époque, pour la négociation du traité du Quirinal, de la concorde italo-française sur la lutte contre l’austérité, de l’harmonie entre l’ancien gouverneur de la BCE et le chef de l’Elysée, tout semblait possible dans la relation Rome-Paris. Et Macron a également pu offrir une étape politique fondamentale : l’«archivage» définitif de la protection française de dix terroristes des Brigades rouges (BR) stationnés en France.
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En pleine marche vers le traité du Quirinal le 28 avril 2021, les menottes ont été passées à sept des terroristes en question. Parmi ceux-ci, Roberta Capelli, Marina Petrella et Sergio Tornaghi des Brigades rouges et Narciso Manenti des unités armées du contre-pouvoir territorial ont été condamnés à la perpétuité. Trop, pour une relation normale entre la France et l’Italie : Macron l’a compris et s’est ouvert à l’arrestation et à l’extradition des BR. Mais ici, a commencé le calvaire judiciaire des proches des victimes en quête de justice, et le calvaire politique d’un Macron qui s’est «couvert» à droite avec ce choix, consolidant la figure d’un homme d’ordre en vue des élections présidentielles de 2022.
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La justice française a agi sciemment, dans ses composantes apicales, pour briser les manœuvres des autorités politiques et policières de Paris. Dans l’arrêt de la cour d’appel qui a bloqué l’extradition le 28 juin 2022, on pourrait relire toute la série de stéréotypes avec lesquels «l’intelligentsia» de gauche française, depuis Michael Focault, présentait les membres des Brigades rouges dans les années 1970 et 1980 en tant que personnes éloignées du stéréotype des «bons» ou des révolutionnaires, certes, mais aussi en tant que potentiels politiques persécutés par une justice incertaine, celle italienne, et par des méthodes prétendument «fascistes». Lesquels étaient d’ailleurs ceux de Carlo Alberto Dalla Chiesa et de ses hommes résolus à éradiquer le terrorisme.
Celui de Draghi et Macron, était un choix de bon sens, faire table rase du passé sombre et donner un nouveau souffle aux relations entre Rome et Paris. Celle de juin 2022, en revanche, a été un premier camoufler : Macron s’est vu reprocher d’avoir donné son feu vert à des arrestations sans penser que d’anciens terroristes pouvaient être privés des libertés fondamentales garanties aux détenus, voire d’«un procès équitable». Le procureur général de la République a une nouvelle fois été battu en cassation et pour Macron, dans une phase de très faible popularité, c’est un nouveau coup dur qui met en péril la possibilité d’une détente avec Rome dans une phase où la réinitialisation des relations avec le gouvernement de Giorgia Meloni est dans son intérêt le plus total. Entre nouveaux défis économiques, pactes de stabilité, défis migratoires et tensions géopolitiques, le dialogue italo-français a besoin d’être vigoureusement relancé. Et un geste de détente de la part des juges sur la remise des anciens BR aurait non seulement assouvi la soif de justice de dizaines de parents de victimes, mais aussi offert une orientation politique positive à la relation Rome-Paris.
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Il n’en a rien été ; Et Macron est le grand perdant d’un parcours dans lequel il a pris acte que la phase «romantique» de protection de tout exilé, ou présumé tel, inaugurée par François Mitterrand après son accession à la présidence en 1981, et ses ramifications ultérieures, devaient être à jamais closes, sous peine d’une anomalie peu respectueuse des principes élémentaires de la justice entre les hommes et les nations. Les juges français ont décidé autrement. Et la douloureuse question des ex-BR que l’Italie veut emprisonner pour qu’ils puissent purger leur peine, se poursuit. Aiguisant la souffrance et la douleur de ceux qui ont perdu les leurs, les victimes ; Et en sabotant l’agenda politique d’un dirigeant comme le Président Macron, qui avait, comme on peut le constater, beaucoup misé sur la délivrance des terroristes.