(Rome, Paris, 06.03.2023). L’alliance de six partis de l’opposition turque a désigné lundi Kemal Kiliçdaroglu, le leader de sa principale formation, pour affronter à la présidentielle du 14 mai le chef de l’Etat Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis vingt ans.
« Kemal Kiliçdaroglu est notre candidat à la présidentielle », a déclaré Temel Karamollaoglu, leader du Parti de la Félicité, face à une foule rassemblée devant le siège de sa formation à Ankara, où se sont réunis lundi les dirigeants des six partis.
Les dirigeants des cinq autres partis de l’Alliance, dont M. Kiliçdaroglu, se trouvaient à ses côtés au moment de l’annonce.
Les élections présidentielles et législatives ont été maintenues à la date prévue, malgré le séisme du 6 février qui a fait plus de 46.000 morts et dévasté des zones entières du sud et sud-est du pays.
Kemal Kiliçdaroglu, à la tête du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) depuis 2010, a promis un retour au jeu démocratique s’il est élu en mai.
« Nous établirons tous ensemble le pouvoir de la morale et de la justice », a déclaré M. Kiliçdaroglu dans la foulée de l’annonce. « Nous, en tant qu’Alliance de la nation, dirigerons la Turquie sur la base de la consultation et du compromis », a-t-il ajouté.
« La loi et la justice prévaudront », a-t-il dit encore.
Les maires d’Istanbul et d’Ankara passent leur tour
La coalition, baptisée « Alliance de la nation », avait manqué d’imploser vendredi, à dix semaines seulement du scrutin.
La présidente du Bon Parti (nationaliste), deuxième plus importante formation de la coalition, s’était opposée avec véhémence à la candidature de M. Kiliçdaroglu, enjoignant les populaires maires CHP d’Istanbul et d’Ankara, Ekrem Imamoglu et Mansur Yavas, à se présenter à sa place – ce qu’ils ont décliné.
Après avoir rencontré les deux maires puis M. Kiliçdaroglu à Ankara lundi, la cheffe du Bon Parti, Meral Aksener, a finalement repris sa place à la table de l’Alliance.
Pour une partie des soutiens de l’opposition, M. Kiliçdaroglu, ancien haut fonctionnaire âgé de 74 ans issu de la minorité alévie, souffre d’un manque de charisme face au chef de l’Etat sortant, candidat à sa succession.
Erdogan promet des reconstructions aux normes sismiques « en un an »
Mais M. Erdogan, dont la popularité a souffert de la crise économique que la Turquie continue de traverser, devra répondre devant les électeurs de la lenteur des secours dans les heures qui ont suivi le tremblement de terre du 6 février.
Des manquements que M. Kiliçdaroglu n’a pas manqué de relever, dénonçant « l’incompétence » et la corruption à la tête du pays.
Tout en demandant pardon pour les retards dans l’arrivée des secours, le président turc, âgé de 69 ans, a fait de la reconstruction des zones dévastées sa ligne directrice, promettant de bâtir près de 490.000 logements aux normes antisismiques « d’ici un an ».
Selon les sondages, la présidentielle du 14 mai s’annonce comme son scrutin le plus périlleux depuis 2003, année de son arrivée au pouvoir en tant que Premier ministre.
Erdogan et son parti, l’AKP (islamo-conservateur), ont déjà vu leur échapper en 2019 les municipalités d’Istanbul et d’Ankara au profit du CHP, un revers cinglant.
Le HDP pro-kurde, non convié aux négociations, pourrait soutenir Kiliçdaroglu
Et le parti de gauche prokurde HDP, qui voit d’un bon œil la désignation de M. Kiliçdaroglu, pourrait ne pas investir de candidat cette année afin de favoriser l’alliance de l’opposition, selon des médias turcs.
Le HDP, troisième formation au Parlement, avait réuni 12% des suffrages aux dernières législatives, et son candidat, emprisonné, avait recueilli 8,4% des voix à la présidentielle de 2018.
Le parti a jusque-là été maintenu à l’écart de l’alliance de par la présence du Bon Parti, dont la ligne est incompatible avec celle du HDP.
Il reste désormais moins de dix semaines à l’opposition pour imposer son programme et faire campagne à travers le pays.
Le séisme d’une magnitude de 7,8 du 6 février, qui a dévasté onze des 81 provinces turques, pose cependant d’importants problèmes logistiques, 3,3 millions de personnes ayant dû quitter les zones sinistrées.