Emmanuel Macron à Washington avec, également, New Delhi en tête

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(Rome, Paris, 02 décembre 2022). Le ministre français de la Défense se rendra en Inde dans les prochains jours. Paris se perçoit comme un acteur en indo-pacifique et n’entend pas rester à la traîne des grands systèmes multilatéraux comme le Quad et l’I2U2. Au-delà du cadre militaire, pour les Européens (y compris l’Italie directement) il existe des espaces comme interlocuteurs entre les pays de la région

Alors que le Président Emmanuel Macron s’est envolé pour une visite d’Etat à Washington (apportant avec lui une certaine controverse avec les Etats-Unis), le ministre de la Défense Sébastien Lecornu prépare ses valises pour l’Inde, pour un voyage destiné à renforcer les relations, proposer des armes made in France à New Delhi, préparer le terrain pour une prochaine visite du locataire de l’Elysée, et une rencontre avec Nerendra Modi qui pourrait éventuellement déboucher, début 2023, sur l’annonce d’accords en construction lors de contacts comme celui de Lecornu.

Comme nous explique Emanuele Rossi dans les colonnes du quotidien italien «Formiche», à l’occasion de la visite de Macron à la Maison Blanche et du voyage du ministre de la Défense en Inde, Aukus vient immédiatement à l’esprit. En France, ils sont désormais convaincus qu’il faut tourner la page de l’affaire des sous-marins franco-australiens, un contrat de vente rompu en 2021 par l’alliance de l’Australie, des États-Unis et du Royaume-Uni (Aukus), à l’origine d’une crise diplomatique entre les deux pays. Pour autant, Paris n’a pas l’intention de rester à la traîne et sait que l’Inde est un marché important, en pleine croissance, avec de nombreux nouveaux espaces et où l’industrie militaire française est bien positionnée (deuxième derrière la Russie comme fournisseur d’armes), et donc disponible pour de nouvelles collaborations compte tenu de la baisse de fiabilité de Moscou suite à la guerre en Ukraine.

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La France se perçoit comme une puissance indo-pacifique. Et l’approfondissement de certaines relations en est aussi une conséquence. En revanche, le Président Macron n’a cessé de souligner l’importance des Collectivités d’Outre-Mer, des Terres Australes Françaises, de la Nouvelle-Calédonie : territoire à partir duquel la France peut directement projeter son empreinte sur la région (non sans avoir à gérer certaines inquiétudes). La connexion indienne est fondamentale pour la stratégie française, qui souffre de l’absence des mécanismes de coopération régionale les plus importants, tels que l’Aukus susmentionné, ou par exemple le Quad ou l’I2U2.

Ce dernier, créé par Israël, l’Inde, les États-Unis et les Émirats arabes unis, est un nouveau mécanisme coopératif qui suscite l’intérêt de l’Hexagone. D’abord parce qu’il implique Abou Dhabi, un allié de Paris qui pourrait lui ouvrir, d’une certaine manière, les portes du groupement. Et puis, parce que la coopération s’opère dans des domaines tels que l’eau, l’énergie, les transports, l’espace, la santé, la sécurité alimentaire, sur lesquels la France est déjà engagée avec d’autres interlocuteurs et sur lesquels elle souhaite construire un rôle de référence semi-mondial en passant avec désinvolture des mondes sahélien, maghrébin, moyen-oriental et clairement indo-pacifique. Tous les domaines où ces thèmes sont super-sensibles.

Au-delà de la dimension militaire de l’engagement, dont la France a déjà fait preuve en envoyant des moyens navals dans la région entre les océans Indien et Pacifique, protagonistes d’exercices conjoints avec les marines de New Delhi et de Washington, il existe donc diverses manières de s’insérer au sein de ces mécanismes, accords et dossiers multilatéraux. Il y a certes la sécurité et l’industrie de la défense, mais il y a aussi toute cette série d’enjeux que l’I2U2 soulève. Des zones intéressantes pour l’Italie également.

L’espace réside finalement dans la création d’une dimension d’interlocuteur fiable entre deux géants en collision (la Chine et les États-Unis) ce qui place également les pays tiers dans une position difficile, craignant d’être écrasés. Une crainte qui, à bien des égards, est également perçue par l’Inde, qui tout en participant aux principaux organes de coopération avec Washington tels que le Quad ou l’I2U2 également pour des intérêts anti-chinois, tente en même temps de faire des choix «non impliqués» afin de marquer un pare-feu d’indépendance (c’est, en l’occurrence, le cas du pétrole acheté à la Russie).

Pour l’Italie, pour les Européens et pour l’UE, il est nécessaire de construire la figure d’un troisième interlocuteur face à des pays tels que ceux du bloc ASEAN, qui ne seront guère en mesure de se désengager complètement de la Chine, mais également ne seront probablement pas plus que des amis des États-Unis. Bruxelles apporte avec elle la force du plus grand bloc commercial au monde. Paris va déjà de l’avant, Berlin s’est mobilisé en annonçant un engagement plus fort dans l’Indo-Pacifique pour les décennies à venir.