(Paris, Rome, 15 novembre 2022). Plus de dix ans après l’intervention militaire de la France contre l’ancienne-Jamahiriya du défunt colonel Mouammar Kadhafi, alors principal allié de l’Italie en Méditerranée, la Libye risque à nouveau de sombrer dans le chaos et la violence, rapporte dans son décryptage Alessandro Scipione, dans le journal italien «Il Giornale/Inside Over». Les factions rivales continuent d’être approvisionnées en armes par des partenaires étrangers tels que la Turquie, la Russie, l’Égypte et les Émirats arabes unis, dans une dangereuse escalade à l’issue encore incertaine. Une grande partie du territoire du pays d’Afrique du Nord est aux mains du général libyen Khalifa Haftar, l’homme fort de la Cyrénaïque connu en Italie pour avoir kidnappé les 18 pêcheurs de Mazara del Vallo pendant 108 jours. Et les forces de l’Armée nationale libyenne (ANL) autoproclamée ont publié, pour la première fois, des images d’avions de chasse russes MiG-29 stationnés sur la base aérienne d’Al Joufra, dans le centre de la Libye. Une démonstration de force à des fins internes, mais aussi un signal que l’Occident ne doit pas sous-estimer : la Russie a ancré sa présence dans le flanc sud de l’OTAN et n’entend pas en sortir, malgré la guerre en Ukraine.
Mig-29 et mercenaires
Comme le rapporte l’agence Nova, Saddam et Khaled, les fils de Haftar et héritiers politiques du « maréchal », apparaissent également sur les photos publiées en ligne. Les photos montrent également d’anciens avions de chasse MiG-21 et Mig-22, des hélicoptères de transport et des avions d’entraînement stationnés à Al Joufra, la base aérienne protégée par le Pantsir exploité par les mercenaires du groupe Wagner. C’est précisément à Al Joufra que commence une ligne fortifiée qui remonte le désert libyen jusqu’à la ville de Syrte, ancien fief de l’État islamique devenu le « Berlin » libyen qui divise l’est et l’ouest du pays. Déjà au printemps 2020, le Commandement américain pour l’Afrique (Africom) avait averti que la Russie avait envoyé des chasseurs-bombardiers MiG-29 et Sukhoi 24 en Libye, repeints en Syrie pour tenter de masquer leur origine. Aujourd’hui, les mercenaires russes continuent d’avoir leurs bottes fermement plantées sur le sable du désert libyen, malgré les rumeurs d’une réduction de leur nombre.
Une réponse à la Turquie ?
La publication des images d’avions russes est une réponse à l’exercice tactique «Tornado 1» mené par les forces du Gouvernement d’union nationale (GUN) près de Bani Walid, en Tripolitaine. La brigade 444, un groupe armé de plus en plus puissant formé par les forces armées turques, a également participé aux manœuvres. Au premier rang, pour assister aux manœuvres à balles réelles, se trouvait également le commandant de la mission militaire turque en Libye, le général Osman Aytac, photographié alors qu’il indiquait certains points sur une carte à un premier ministre intéressé, Abdelhamid Dbeibah. L’influence de la Turquie sur le gouvernement libyen reconnue par les Nations unies est désormais évidente. En outre, il y a quelques jours seulement, Dbeibah avait lui-même «soutenu» l’alliance militaire avec Ankara en signant un accord confidentiel pour fournir des formations, des armes et des drones d’attaque, au mépris de l’embargo des Nations unies sur les armes. L’effronterie avec laquelle le président turc Recep Tayyip Erdogan agit en Libye semble être tolérée par les alliés de l’OTAN dans une fonction anti-russe, même si la France continue de soutenir en coulisse une victoire orientale et voudrait faire de Haftar un acteur politique.
Et l’Italie ?
Les sources libyennes, ajoute Alessandro Scipione, rapportent qu’un officier supérieur italien, a assisté (en incognito) à l’exercice «Tornado 1». L’Italie est là, mais sa présence est beaucoup plus discrète que celle de la Turquie. Après tout, l’Italie semble toujours avoir un atout dans sa manche. En fait, nous sommes le premier partenaire commercial de la Libye, avec une valeur commerciale de plus de 6,37 milliards d’euros au cours des sept premiers mois de 2022. Le poids économique global de l’Italie en Libye est trois fois supérieur à celui de la Turquie.
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En effet, sans l’Italie et sans ENI, la Libye resterait dans le noir et perdrait son meilleur client. Le nouveau gouvernement de Giorgia Meloni peut donc partir d’une position économique solide et d’une diplomatie qui fonctionne (l’ambassade d’Italie à Tripoli n’ayant jamais fermé, même lorsqu’il pleuvait des roquettes dans le centre de la capitale) pour rétablir les relations politiques. Et la première occasion pour le concrétiser, pourrait être les Med Dialogues des 2 et 3 décembre auxquelles la ministre libyenne des Affaires étrangères Najla el Magoush devrait participer pour la première fois.