(Rome, Paris, 06 novembre 2022). Kiev a élaboré un plan d’évacuation de tous les résidents en cas de panne (généralisée) d’électricité. Pour Lorenzo Vita du quotidien italien «Inside Over», la nouvelle est venue du New York Times qui, citant une source au sein de l’administration de la capitale ukrainienne, a révélé que l’évacuation aura lieu avec un préavis de 12 heures. Comme l’a indiqué l’agence italienne «ANSA», le chef du département de la sécurité, Roman Tkachuk, souligne que « pour l’heure, il n’y a aucune raison de parler d’évacuation ».
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Toutefois, selon l’agence Ukrinform, Roman Tkachuk a souligné que « le système de protection civile doit être préparé à différentes options » et que « pour réagir de la bonne manière, nous devons avoir un plan pour tous les scénarios possibles ».
La stratégie russe à ce stade
Cette nouvelle survient après que l’ensemble du territoire ukrainien a fait l’objet d’attaques de missiles qui ont touché des infrastructures stratégiques. Un plan qui s’inscrit dans la stratégie du nouveau commandant des opérations russes en Ukraine, le général Sergueï Sourovikine, et qui vise à paralyser le pays envahi.
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Le président russe Vladimir Poutine a déjà fait comprendre que les objectifs de son « opération militaire spéciale » ont changé : Moscou ne peut pas avancer pour l’heure, il ne peut qu’essayer de maintenir ce qu’elle considère comme indispensable depuis le début de l’invasion, à savoir le contrôle de la mer d’Azov, des deux provinces de Lougansk et de Donetsk et d’éviter que la Crimée ne soit menacée tant en termes de sécurité que de logistique et d’approvisionnement en eau (d’où la centralité de Kherson). Ce sont les points demandés par le Kremlin et pour lesquels Sourovikine a été nommé.
Pour ce que l’on appelle alternativement le « général Armageddon » ou « le boucher de la Syrie », l’objectif a toujours été d’arrêter la contre-offensive ukrainienne. Et de le faire à travers deux pistes. La première, d’un point de vue tactique, en blindant les territoires occupés et en renforçant les contingents déployés au front pour faire face à l’avancée des troupes de Kiev en évitant de nouveaux mouvements de troupes dans l’attente que le froid bloque les opérations.
La deuxième piste, en revanche, est la voie stratégique, c’est-à-dire frapper les infrastructures critiques qui, d’une part, permettent à l’armée ukrainienne de se réapprovisionner, et de l’autre, permettent au pays de survivre en évitant un effondrement du moral de la population. Il s’agit d’une tactique que, selon les informations en provenance de Kherson, les Ukrainiens utiliseraient contre la ville occupée par les Russes, étant donné que les autorités pro-Moscou ont signalé à Ria Novosti des coupures d’eau et d’électricité dans la ville (et c’est l’une des raisons pour lesquelles depuis des jours elles évacuent les civils en prévision de ce qui est considéré comme la bataille décisive avant l’hiver).
Frapper le moral de la population
Frapper des centrales électriques ou des réservoirs d’eau au moyen des drones (de fabrication iranienne) et des missiles, sert, dans l’esprit de Sourovikine, à faire ressentir à l’Ukraine, après des mois de résistance, le poids d’une guerre qui peut conduire le pays à l’effondrement. Cela implique non seulement de frapper de manière sensible le moral de la population, mais aussi d’engager l’ensemble du système ukrainien sur le plan économique et militaire pour tenter d’amortir les effets désastreux tels que l’interruption de l’électricité et de l’eau, des produits de première nécessité dont la population pourrait ne plus disposer d’ici quelques semaines, à l’approche de l’hiver. Un scénario qui, comme le rappelle le New York Times, implique une évacuation massive qui, pour la seule ville de Kiev, toucherait trois millions d’habitants. De plus, pour certains analystes, l’objectif serait plus complexe : non seulement décourager mais aussi empêcher les investissements futurs et augmenter les fonds que l’Occident doit envoyer à Kiev visant à le soutenir.
Bien sûr, cela ne se produit pas nécessairement et n’apportera pas les avantages espérés par les Russes. Comme le rappelle une analyse de «Foreign Affairs», les bombardements aériens visant des infrastructures stratégiques pourraient également conduire à une plus grande implication de la population dans la résistance dans un sens positif du terme, ayant ainsi un effet inverse à celui éventuellement souhaité par Moscou.
Une telle stratégie, qui a vu le jour pendant la Seconde Guerre mondiale, serait très différente aujourd’hui, notamment parce qu’elle n’impliquerait pas des bombardements massifs des villes mais d’infrastructures stratégiques. En outre, le fait de frapper l’infrastructure civile renforcerait encore l’isolement de la Russie face à la communauté internationale, avec pour conséquence un soutien politique et militaire accru de l’OTAN, notamment en termes de défense aérienne. Tout cela suggère également un coût considérable en termes de dépenses militaires : la livraison des drones iraniens n’est pas sans limite, ainsi que les missiles fabriqués par la Fédération de Russie. Le fait qu’hier Téhéran ait dû admettre la vente d’avions sans pilote à Moscou indique que la Russie a un besoin continu de fournitures d’armes qui ne peut être comblé par l’industrie nationale.
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