(Paris, 10 juillet 2022). Les principales cibles des raids ukrainiens ne sont plus les véhicules militaires russes, ni les infrastructures les plus traditionnelles, comme les routes ou les voies ferrées. Depuis quelques semaines, les forces de Kiev prennent pour cible les dépôts de munitions contrôlés par le Kremlin.
Les nouveaux systèmes de roquettes à longue portée reçus de l’Occident permettent à l’armée ukrainienne de frapper en profondeur, bien au-delà des lignes ennemies. Considérant que les Russes conservent encore un avantage assez net, notamment en termes d’artillerie, les Ukrainiens ont cru bon de viser les centres de stockage rivaux, nous apprend Federico Giuliani dans les colonnes du journal italien «Il Giornale/Inside Over».
Nous sommes entrés dans une phase de guerre particulière, puisque le ministère de la Défense de Moscou a annoncé une sorte de pause opérationnelle, afin de permettre aux soldats russes de se réorganiser après la double conquête de Severodonetsk et Lysychansk.
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Dans le même temps, le Kremlin continue de lancer des missiles sur l’Ukraine, comme pour nous rappeler que l’avancée russe n’est pas terminée et qu’elle va bientôt reprendre. Pour au moins tenter de réduire le désavantage face à ses ennemis autour de l’épicentre du conflit, Kiev a commencé à utiliser les Himars pour détruire les dépôts de munitions contrôlés par Moscou dans le sud et l’est.
La logistique de Moscou
L’objectif de l’armée ukrainienne semble évident : priver les Russes de munitions, faire taire leurs armes, et rendre ainsi leur avantage militaire inutile. Moscou aurait perdu la plupart de ses installations disséminées dans le Donbass : si tel était le cas, la logistique du Kremlin serait confrontée à un problème majeur, puisque l’afflux de ravitaillement vers le front dépend en grande partie du réseau ferroviaire.
Expliquons plus en détail. Depuis 2014, la Russie a construit des dizaines de dépôts de munitions près des gares dans les territoires conquis. La proximité n’est en rien fortuite : l’armée russe, en effet, manque d’unités logistiques, notamment d’unités de transport spéciales. Cela signifie que les fournitures et les munitions russes sont chargées à la main dans les trains et ainsi transportées vers le front. Une fois arrivées à destination, les «marchandises» sont déchargées, toujours à la main, et (re) chargées sur différents camions, pour ensuite être livrées aux unités militaires engagées sur la ligne du front. La procédure est donc longue, lourde et fastidieuse.
Jusqu’à ce que les Ukrainiens aient à leur disposition des Himars équipés de roquettes guidées par GPS et d’autres armes équipées d’une extrême précision, la Russie a envoyé des milliers de tonnes de munitions en Ukraine par train, les a stockées dans des entrepôts spéciaux non loin des gares et a envoyé les camions des unités les plus proches pour récupérer une cargaison précieuse (non seulement des munitions, mais aussi du carburant, de la nourriture et des pièces de rechange).
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Désormais, la situation risque de changer, ou du moins de se compliquer, car si l’armée russe ne peut pas utiliser ce système, c’est tout son dispositif logistique qui risque d’exploser.
Le contre-mouvement de Kiev
En bref, au lieu d’attaquer les Russes frontalement, l’armée ukrainienne essaie de «vérifier, en cochant» leurs armes et d’endommager le système logistique décrit ci-dessus. Les nouvelles capacités d’artillerie des forces de Kiev ont, en fait, deux effets. Le premier : la Russie perd ainsi des milliers de tonnes de munitions qu’elle aurait autrement utilisées pour frapper des cibles ukrainiennes. Le second : Moscou est appelé à remplacer les munitions perdues, sans toutefois pouvoir produire plus de matériel de guerre qu’elle n’en perd. Il semble, en effet, que le Kremlin ait été contraint d’expédier de vieilles munitions soviétiques de Biélorussie vers le Donbass, souligne encore Federico Giuliani.
Pour résumer les effets des principaux raids, le 16 juin, les Ukrainiens ont fait sauter un dépôt de munitions russe à Krasny Luch. Le 25 juin, c’était le tour des dépôts de munitions à Iyzum et Svatove. Deux jours plus tard, ce fut le tour des installations situées à Zymohiria et Rodakove ; ensuite, les munitions stockées à Perevalsk (28 juin) et Stakhanov (30 juin) ont explosé. Le 4 juillet, Kiev a pris pour cible Snijne et Donetsk, tandis que la veille, un important dépôt de munitions russe situé à l’aéroport de Melitopol a été frappé. Nous verrons si la tactique adoptée par l’Ukraine produira les effets escomptés.