Le veto turc est tombé. Qu’a-t-on promis à Erdogan ?

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(Rome, Paris, 30 juin 2022). Alors que le front baltique pourrait être renforcé (et sécurisé), la foire aux devises s’ouvre, ce qu’Ankara demandera en échange. Du gaz aux équilibres en Méditerranée

La chute du veto turc à l’entrée de la Suède et de la Finlande dans l’OTAN apporte deux nouvelles : une bonne et une moins bonne. La première est que le renforcement et la sécurisation du front baltique ne sont plus seulement une option future, mais un objectif à court terme facilement réalisable. La seconde est ce que demandera en retour Recep Tayyip Erdogan, qui ne se contentera sans doute pas d’une simple tape dans le dos, comme le rapporte Francesco De Palo dans les colonnes du quotidien italien «Formiche».

En substance, l’OTAN renaît après les appels peu enthousiastes de Macron et Trump («elle est en état de mort cérébrale», a déclaré le président français) et elle l’est sous une nouvelle forme. On peut également le déduire de l’empreinte que le Premier ministre italien Mario Draghi a intensément donnée à la cause, lorsqu’il a œuvré, non plus les lumières éteintes, pour un plafonnement du prix du gaz ou pour une stratégie euro-atlantique globale différents et adaptés aux nouvelles urgences. Ainsi, l’Alliance s’apprête à contrer tout mouvement de Moscou dans ces eaux où, depuis quelque temps, on assiste à des intrusions, des revendications, des actions troublantes et même des incidents restés sans coupable comme la rupture brutale (cisaillée ?) de précieux câbles électriques (et de surveillance) sous-marins.

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Le prix à payer

Ankara, Helsinki et Stockholm ont signé un mémorandum répondant aux préoccupations exprimées par la Turquie, notamment sur les exportations d’armes et la lutte contre le terrorisme. Selon le gouvernement turc, les trois pays ont décidé d’intensifier la coopération dans le secteur de la défense et de lever toute restriction. Ils mettront également en place un mécanisme de partage d’informations pour lutter contre le terrorisme.

En d’autres termes, «oui» pour l’élargissement, en supprimant «la feuille de vigne» de la condition sine qua non que représente le PKK, mais abordons maintenant les vrais dossiers qui sont au sommet des pensées d’Erdogan : à savoir le gaz. Le premier point qui pourrait être abordé concerne le gazoduc Eastmed, sur lequel il y a déjà eu un arrêt américain : Ankara le considère comme une infrastructure qui contourne les intérêts turcs, car elle acheminerait du gaz d’Israël à Salento, en passant par Chypre et la Grèce. Mais, d’autre part, les copieux gisements situés en Méditerranée orientale, tels que Zohr, Nohr, Léviathan et Glauko, ne peuvent rester inutilisés compte tenu de la très grave crise énergétique en cours.

Il est donc concevable qu’un nouveau scénario pratique s’ouvre, avec des terminaux gaziers terrestres, où le gaz puisse circuler, et de là, sera acheminé par méthaniers vers les pays euro-méditerranéens intéressés par l’approvisionnement en question.

Les scénarios

Il est clair que dans cette phase de criticité aiguë, comme la crise de la guerre, celle du blé, celle des matières premières et, enfin et surtout, la crise géopolitique en cours entre les États-Unis, l’UE, la Chine et la Russie, il est absolument nécessaire d’identifier une stratégie de sortie (et l’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger y a également fait allusion il y a deux jours). Le véritable enjeu sera de comprendre quels avantages il y aura à inclure la Turquie dans ce match et quels sont les nouveaux problèmes potentiels. Si, en vue des élections de 2023, Erdogan était tenté d’accentuer ses visées personnelles, par exemple, dans tout le spectre des eaux allant de la mer Égée à la Méditerranée, une « euro-politique » de dissuasion serait nécessaire visant à empêcher le schéma de la Crimée dans d’autres zones sensibles, comme par exemple Chypre.