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France: procès des attentats du 13 Novembre. Salah Abdeslam condamné à la perpétuité incompressible

(Rome, 29 juin 2022). Salah Abdeslam, principal accusé au procès des attentats du 13-Novembre, a été condamné mercredi soir par la cour d’assises spéciale de Paris à la réclusion criminelle à perpétuité, avec période de sûreté incompressible, la peine la plus lourde du Code pénal français. Les cinq magistrats professionnels ont suivi les réquisitions du parquet national antiterroriste, qui avait réclamé cette sanction rarissime, rendant infime toute possibilité de libération, à l’encontre du seul membre encore en vie des commandos qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis fin 2015.

Le président de la cour d’assises spéciale de Paris a mis fin au suspense assez rapidement, et la cour répond « oui » à presque toutes les questions : en dehors de Farid Karkache, tous les accusés sont reconnus coupables de tous les chefs d’accusation.

Un bruissement est remonté dans l’une des salles de retransmission, notamment à l’annonce des faits retenus contre Salah Abdeslam. La cour a suivi le parquet national antiterroriste en considérant qu’il était co-auteur de tous les crimes commis le 13-Novembre. Pour la cour, il s’agit d’une cible unique, il est donc reconnu coupable de « tentative de meurtre sur personne dépositaire de l’autorité », soit l’une des conditions pour prononcer la perpétuité incompressible requise par les avocats généraux. Et donc, la cour a condamné Salah Abdeslam à la perpétuité incompressible.

La perpétuité incompressible, également appelée « perpétuité réelle », n’avait jusqu’ici été prononcée qu’à quatre reprises, entre 2007 et 2013 à chaque fois pour des meurtres d’enfants accompagnés de viols ou tortures. D’abord prévue pour ces crimes uniquement, la perpétuité incompressible a été étendue en 2011 aux meurtres ou tentatives de meurtre sur personnes dépositaires de l’autorité publique (forces de l’ordre, magistrats ou encore surveillants de prison). Après la série d’attentats ayant ensanglanté la France en 2015, la perpétuité réelle a été élargie aux crimes terroristes en juin 2016, mais cette loi n’est pas rétroactive.

Des excuses réitérées à l’égard des victimes

Les avocats de Salah Abdeslam, qui a affirmé à plusieurs reprises au cours des débats avoir « renoncé » à déclencher sa ceinture explosive le soir du 13 novembre 2015, par « humanité », avaient plaidé contre cette « peine de mort lente ». La cour a considéré que son gilet explosif était « défectueux », remettant « sérieusement en cause » les déclarations de l’intéressé sur son « renoncement ».

Du commando de dix terroristes kamikazes du 13 novembre 2015, seul Salah Abdeslam est encore en vie. Les neuf autres sont morts, tués soit en déclenchant leurs ceintures explosives le soir de l’attaque, soit par les tirs des forces de l’ordre.

Le Français de 32 ans est resté les bras croisés, le regard dur dans le box, pendant toute la durée de la lecture du délibéré, rendu au terme de 148 jours d’audience. « Je ne suis pas un assassin, je ne suis pas un tueur », avait-il soutenu dans ses derniers mots à la cour lundi matin, réitérant ses excuses « sincères » aux victimes.

Des condamnations en deçà des réquisitions du parquet national

La salle d’audience spécialement construite pour ce procès n’avait jamais connu une telle affluence, et les rescapés et proches de victimes se serraient les uns aux autres sur les bancs de bois, dans une ambiance électrique.

Les peines prononcées vont de deux ans d’emprisonnement à la perpétuité. Mohamed Abrini, qui était « prévu » pour faire partie des commandos, mais qui a renoncé à la dernière minute selon la cour, a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assortie de 22 ans de sûreté. Les trois accusés qui comparaissaient libres ont été condamnés à des peines d’emprisonnement assorties du sursis, et ne retourneront pas en prison. Les condamnations sont globalement en deçà des réquisitions du parquet national antiterroriste, qui avait demandé des peines allant de cinq ans d’emprisonnement à la perpétuité.

En ce qui concerne Farid Karkache, il a été identifié comme « intermédiaire » pour fournir de fausses cartes d’identité, mais Jean-Louis Périès, le président de la cour, estime qu’aucun élément ne permettait de conclure qu’il pouvait faire le lien avec la nature terroriste des faits qui allaient être commis grâce à ces faux documents. Ils n’ont donc retenu contre lui qu’une simple « association de malfaiteurs en vue de commettre une escroquerie » : Farid Karkache ressortira donc libre de ce tribunal.

L’importance du « respect de la norme » pour ce « procès historique »

Six ans après une nuit de terreur qui a traumatisé la France et après un procès-fleuve marqué par les récits glaçants des rescapés ou proches à la barre – sur plus de 2 600 parties civiles –, les avocats de la défense avaient mis la cour en garde contre la tentation d’une « justice d’exception » guidée par l’émotion. Au premier jour, le 8 septembre, le président avait souhaité que le « respect de la norme » reste le « cap » de ce « procès historique », lui ont rappelé certains, plaidant contre les peines « d’élimination », de « vengeance » ou pour le « symbole » requises selon eux par le parquet.

Trois avocats avaient plaidé l’acquittement pour leurs clients « innocents ». « Je ne suis pas un terroriste », a répété l’un d’eux dans ses derniers mots à la cour lundi. « J’ai très peur de votre décision », a reconnu un autre entre deux sanglots.

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« Le but d’un procès, c’est aussi de comprendre pour juger au mieux et délimiter les responsabilités de chacun et faire en sorte que (ce type d’attentats) n’arrive plus. J’espère que les magistrats arriveront à comprendre ce qu’il s’est passé et à appliquer au mieux le droit pour avoir les décisions les plus justes », a déclaré Olivia Ronen, l’avocate de Salah Absdeslam, mercredi.

Des rescapés soulagés après l’annonce du verdict

« Les peines sont assez lourdes. Ils ne sortiront pas tout de suite de prison. On va savourer, je ressens beaucoup de soulagement. Dix mois de procès, ça aide à se reconstruire. C’est fini, ça va faire un vide », a commenté Sophie, une rescapée du Bataclan à la sortie de la salle d’audience, les larmes aux yeux.

Olivier Fisher avait quant à lui été blessé au bar Le Carillon: « Je suis extrêmement satisfait des peines prononcées (…) c’est un message extrêmement clair adressé à l’ensemble de personnes tentées par l’islamisme radical. »

Et pour Maître Gérard Chemla, avocat des parties civiles, la fin du procès va permettre d’avancer: « On a la sensation après le verdict qu’on tourne une page (…) Ils ont pris une décision qui était très motivée. Les peines prononcées ne sont pas excessives (…) On est à un moment satisfaisant pour tout le monde, en tout cas pour la justice ».

(Radio France Internationale)

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