Comment la guerre en Ukraine affecte le conflit syrien ?

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(Paris, 21 mai 2022). La guerre en Ukraine a des répercussions sur ce qui, avant le 24 février, était le dossier le plus important entre les mains des Russes. C’est la guerre en Syrie. Moscou est un allié historique de Damas. Poutine, en 2013, a empêché une attaque américaine contre le gouvernement de Bachar Al Assad déjà affaibli par la guerre civile en cours depuis 2011, puis en septembre 2015 a eu lieu l’un des tournants les plus importants du Kremlin depuis la chute de l’URSS : le début du soutien direct à la Syrie. Un soutien qui se poursuit encore aujourd’hui mais qui, inévitablement, reflète aussi le cours du conflit en Ukraine. Moscou a détourné une partie de ses forces militaires et de renseignement du pays arabe pour renforcer les opérations dans le Donbass. Une circonstance moins qu’idéale pour Assad lui-même, selon le décryptage de Mauro Indelicato dans les colonnes du quotidien «Inside Over».

La hausse des prix des denrées alimentaires

Le premier écueil que le conflit ukrainien fait peser sur le régime d’Assad, fils de Hafez, est indirect. En particulier, le blocus des exportations de céréales de l’Ukraine a déjà un effet sur la Syrie, comme sur d’autres pays arabes. Les rives sud et moyen-orientales de la Méditerranée dépendent fortement des matières de première nécessité produites en Ukraine. Mais les silos d’Odessa restent pleins et les navires ne peuvent mettre les voiles pour livrer leurs cargaisons. Les résultats sont déjà perceptibles dans une grande partie du monde arabe et font état d’une pénurie de farine et de pain, ainsi que d’une hausse massive des prix. En raison de circonstances similaires, en 2010, la région du Maghreb a implosé dans ce qui est entré dans l’histoire comme le printemps arabe (le tsunami arabe, selon un spécialiste français, ndlr).

Si cela est vrai pour des pays en difficulté, oui, mais néanmoins « en paix », comme l’Egypte et la Tunisie, c’est encore plus dramatique pour un pays comme la Syrie. La guerre a non seulement tué des milliers de personnes, mais a également brisé toute possibilité de développement. Et ce, malgré le fait que le conflit soit de « faible intensité » depuis plusieurs mois. Le gouvernement syrien a récupéré une grande partie du territoire, en particulier dans la partie occidentale, et avec l’aide de la Russie. Mais les sanctions internationales et l’isolement de Damas, non encore réadmis au sein de la Ligue arabe, ne permettent pas à l’économie de se redresser. La crise du blé est donc un nouveau coup porté à la Syrie dans son ensemble.

Moscou pourrait envoyer de l’aide ou, comme l’affirme le quotidien «IlFoglio», pourrait même acheminer une partie du maïs bloqué en raison de la guerre en Ukraine vers le territoire syrien. Comme cela s’est produit le 5 mai, lorsque le navire Matros Pozynich, parti de Crimée, a amarré à Lattaquié. Selon les autorités de Kiev, à bord de la cargaison se trouvaient des tonnes de céréales provenant de certains territoires occupés par la Russie. Cependant, la contribution russe pourrait ne pas suffire. Le gouvernement d’Assad a dû bloquer les subventions pour le pain et le diesel pour joindre les deux bouts, ce qui, à moyen et long terme, est destiné à toucher les classes moyennes, les fonctionnaires et l’armée. Autrement dit, le réservoir «humain» du président syrien.

Le spectre d’une présence russe réduite

Ensuite, se trouve une autre conséquence, cette fois directe, de la guerre en Ukraine. Si Moscou a besoin de personnes à envoyer dans le Donbass, elle doit couper ses effectifs en Syrie. La couverture n’est pas infinie et l’accent mis sur le Donbass oblige à prendre certaines décisions. Pour Assad, cela pourrait se traduire par le risque sérieux de se retrouver davantage exposé aux attaques des groupes armés, islamistes ou autres. La guerre n’est pas encore terminée et si le contingent russe présent en Syrie depuis 2015 devait être réduit, Damas seul pourrait ne pas s’en sortir. D’autant que les alliés régionaux historiques, à commencer par le Hezbollah libanais, ne sont pas au mieux de leur forme. Le mouvement chiite, en particulier, a perdu des sièges lors des récentes élections au Liban. Et la coalition sur laquelle il s’appuie au parlement de Beyrouth, dirigée par le Courant patriotique libre de Michel Aoun, a également reculé. Ce dernier n’est plus le principal parti chrétien, le sceptre en ce sens, est passé aux Forces libanaises dirigées par le leader Samir Geagea, le principal pilier des souverainistes, et anti-syrien de longue date.

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La Russie fortement engagée dans sa guerre en Ukraine et avec un Liban où le Hezbollah est en perte de vitesse, Assad se retrouve de plus en plus isoler. Pour l’heure, la seule partie certaine est celle de l’Iran, comme l’a confirmé le déplacement du président syrien à Téhéran le 8 mai dernier. Mais le gouvernement des ayatollahs a aussi des problèmes avec les sanctions et ne dispose pas d’une grande couverture militaire et économique.