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Deux heures au téléphone avec Macron: Poutine parle à nouveau avec l’Occident

(Rome, Paris, 03 mai 2022). Emmanuel Macron est le leader européen qui a parlé le plus souvent à Vladimir Poutine depuis le début de la guerre. Avant le conflit de février, le président français s’était également rendu au Kremlin pour une ultime médiation désespérée en tant qu’actuel président de l’Union européenne. Paris a été, et est toujours, très attaché à maintenir ouverte une ligne de contact avec Moscou. L’appel téléphonique d’aujourd’hui entre les deux dirigeants s’inscrit dans la continuité de la stratégie diplomatique française. Mais il n’a pas manqué d’introduire des éléments significatifs d’un point de vue politique. D’abord, parce que c’était la première conversation depuis plus d’un mois. Ensuite, parce que Poutine a clairement indiqué à Macron quels sont les objectifs actuels de Moscou en Ukraine, à savoir la « libération » du Donbass, comme rapporté par Mauro Indelicato dans les colonnes du quotidien italien «Inside Over».

Une conversation après plus d’un mois de silence

Poutine et Macron ne s’étaient pas parlé depuis le 29 mars. Avant cela, plusieurs appels téléphoniques ont eu lieu sur l’axe Elysée-Kremlin. Un axe jamais complètement interrompu, même si la France a évidemment été en première ligne pour prôner des sanctions contre la Russie une fois le conflit éclaté. Au cours du mois dernier, depuis Paris, ils ont laissé entendre qu’après la découverte des faits de Boutcha et la suspicion de charniers dans le nord de Kiev causée par certaines unités russes, il n’était plus aussi commode pour Macron d’appeler Poutine. D’autant plus que le mois d’avril a été le mois de la campagne de l’élection présidentielle, qui a ensuite été remportée par le locataire sortant (et rentrant) de l’Elysée. Bref, la ligne de contact avec la Russie a été gelée en vue du vote.

Macron a été reconfirmé le 24 avril dernier et ainsi, un peu moins d’une semaine après sa deuxième investiture, il a repris les travaux de la longue toile diplomatique à laquelle il a commencé à travailler depuis février. La conversation a duré deux heures. Bien plus longue que ses précédentes, et au moins, deux fois plus longue que la moyenne des entretiens entre les dirigeants européens et le président américain Joe Biden ces dernières semaines. Des détails d’une importance non négligeable. Celui entre Macron et Poutine n’était pas un coup de fil « de routine », ni une confrontation menée uniquement pour faire perdurer le dialogue sur une base formelle. Les deux présidents ont longuement discuté et abordé l’ensemble des sujets les plus marquants des derniers jours de conflit. Une circonstance loin d’être acquise. L’impression est que d’un côté comme de l’autre il y a tout intérêt à ne pas rompre entièrement les relations. Macron veut assumer le rôle de principal médiateur européen et Poutine doit garder un canal ouvert avec le Vieux Continent.

Les sujets abordés lors des discussions

Les premiers détails sont venus du Kremlin. Selon les porte-parole de la présidence russe, Poutine a fait part à Macron de ses récriminations à l’égard des armes que l’Occident continue de livrer à l’Ukraine : « L’Occident, aurait déclaré le président russe à son homologue français, pourrait contribuer à mettre fin à cette atrocité en exerçant une influence appropriée sur les autorités de Kiev et en interrompant la fourniture d’armes à l’Ukraine ». De plus, Poutine aurait toujours déclaré « regretter » le fait qu’il n’y ait pas de condamnations de l’Occident à ce qu’il a appelé « les crimes de Kiev contre les villes et villages du Donbass ». Autrement dit, le Kremlin se serait plaint d’une « voie à sens unique » dans la position et le récit de l’Europe. Le Donbass serait alors la cible principale de Moscou, à tel point que Poutine aurait mis Macron au courant de l’état de l’opération russe visant à « libérer » Marioupol et l’est de l’Ukraine. Cependant, il a également été question de dialogue. Le président russe se serait notamment déclaré être « disposé et toujours ouvert à la possibilité d’un dialogue avec Kiev », or, selon Moscou, c’est le gouvernement ukrainien « qui n’est pas prêt à un dialogue sérieux ».

Macron : « Mettre immédiatement fin à l’agression dévastatrice en Ukraine »

Pour sa part, le président français a exprimé son espoir que « la Russie se montre à la hauteur de ses responsabilités en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, en mettant fin à son agression dévastatrice en Ukraine ». C’est ce qu’ont révélé, deux heures après la fin de l’entretien, des sources de l’Elysée. Macron a notamment appelé à un arrêt immédiat des opérations de guerre et à une trêve immédiate : « Nous avons besoin, a ajouté le président français, d’une solution négociée pour la souveraineté de Kiev ». En outre, des inquiétudes ont été exprimées depuis Paris sur la situation humanitaire à Marioupol, le chef de l’Elysée exhortant Poutine à faciliter l’évacuation immédiate des civils de l’usine métallurgique d’Azovstal.

L’accent a ensuite été mis sur la question alimentaire, déjà abordée par Macron lui-même lors de sa campagne électorale. Poutine aurait désigné les sanctions occidentales contre Moscou comme le principal obstacle à la résolution des problèmes d’approvisionnement en denrées alimentaires et en matières premières des pays dépendants de ce front de l’Ukraine et de la Russie. Le président français, quant à lui, a déclaré qu’il était disposé à « travailler avec les organisations internationales compétentes, ajoute la note de l’Elysée, pour aider à lever le blocus russe des exportations alimentaires ukrainiennes à travers la mer Noire » alors que Vladimir Poutine avait jugé la situation « compliquée ». Pour Macron, ce dernier aspect semble essentiel : la sécurité alimentaire et la stabilité dans les régions stratégiques pour la France est en jeu, à commencer par l’Afrique du Nord.

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