Les mafias parient sur le deepfake: l’alerte d’Europol

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(Rome, 02 mai 2022). Désinformation, fraude, falsification de documents : l’agence européenne appelle les forces de l’ordre à faire de la lutte contre l’utilisation criminelle de cette technologie numérique une priorité

Le « deepfake » pourrait devenir un outil fondamental du crime organisé. C’est l’avertissement lancé par Europol, l’Office européen de police, dans un rapport appelant les forces de l’ordre à faire de la lutte contre l’utilisation criminelle de cette technologie numérique une priorité, comme le rapporte Eleonora Mureddu dans le quotidien italien «Europa Today».

Europol énumère plusieurs exemples contemporains d’utilisation criminelle de la technologie qui, par le biais d’une technique de synthèse multimédia basée sur l’intelligence artificielle (IA), crée des simulations ultra-réalistes de personnes réelles en remplaçant un visage par un autre ou une voix par une autre, facilitant ainsi la prolifération de la criminalité notamment la désinformation, la falsification de preuves, la falsification de documents et la production de pornographie non consensuelle. Europol tire la sonnette d’alarme sur le fait que, dans les années à venir, de telles attaques deviendront de plus en plus probables et dangereuses.

Quant à la désinformation, le rapport donne plusieurs exemples de la manière dont de fausses informations pourraient être diffusées à l’aide de «deepfakes», entraînant des conséquences potentiellement dévastatrices, en particulier dans une période de fortes tensions. Il y a tout juste un mois, une fausse vidéo a largement circulé sur le net dans laquelle le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, appelait la population et les troupes ukrainiennes à se rendre à l’invasion russe, reconnaissant l’échec de la résistance de son pays et dans laquelle il affirmait renoncer à la Région du Donbass. Ce type de vidéo est interdit sur les réseaux sociaux comme Facebook depuis 2020, date à laquelle elles ont fait irruption dans l’élection présidentielle américaine.

La technologie pourrait également être utilisée pour cibler les entreprises, le rapport cite l’exemple d’un «deepfake» audio permettant d’usurper l’identité du PDG d’une entreprise afin de transférer 35 millions de dollars (33,3 millions d’euros) à un employé. Le rapport explique ensuite, selon une étude de «Sensity», que 96% des fausses vidéos impliquent de la pornographie non consensuelle. Il s’agit généralement de superposer le visage d’une victime sur le corps d’un acteur pornographique, donnant l’impression que la victime est engagée dans l’acte. Enfin, l’analyse met en garde contre la falsification de documents. Alors que les passeports deviennent de plus en plus difficiles à falsifier grâce aux mesures modernes de prévention de la fraude, le rapport a révélé que « les images faciales manipulées numériquement offrent une nouvelle opportunité de fraude documentaire ». Par exemple, ces technologies peuvent combiner les visages de la personne à qui appartient le passeport et de la personne qui veut obtenir illégalement un passeport, augmentant les chances que la photo passe les contrôles d’identité, y compris automatiques, lit-on encore dans Europa Today.

« Les progrès de l’intelligence artificielle et la mise à disponibilité du publique de grandes bases de données d’images et de vidéos signifient que le volume et la qualité des contenus « deepfake » augmentent », indique le rapport. Pour cela, il est nécessaire que la police concentre une partie de ses efforts dans la lutte contre ce phénomène, en améliorant les compétences et les technologies dont disposent les agents. Compte tenu de la généralisation du phénomène, le contrôle manuel deviendra de plus en plus compliqué à réaliser, du fait du nombre croissant de fraudes de ce type.