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Ukraine: pourquoi l’offensive russe est (pour l’instant) un «désastre», selon des experts

(Rome, 03 mars 2022). La déception des premiers jours, avec une sous-estimation de la détermination des Ukrainiens à se défendre, pourrait conduire Moscou à décider de libérer toute sa puissance.

Pénuries de nourriture, de carburant, abandon de véhicules, perte d’avions, mort de soldats… Une semaine après le début de l’offensive russe en Ukraine, force est de constater que le résultat est mitigé pour l’État-major moscovite. L’invasion initiale de son voisin se serait même révélée une erreur tactique et stratégique surprenante, estiment des experts.
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Ces spécialistes américains de l’armée russe disent avoir été étonnés par la mauvaise gestion de la campagne, avec l’enlisement de colonnes d’invasion, des centaines de blindés russes apparemment perdus, et les forces aériennes du Kremlin empêchées par la défense ukrainienne de contrôler le ciel.
« Quand vous gâchez tout au bout de deux ou trois semaines, je peux le comprendre », a souligné Scott Boston, analyste principal en matière de défense au sein du groupe de réflexion Rand Corp. « Mais quand vous trébuchez sur le pas de la porte en entrant dans la maison, vous avez un autre problème ».
« C’est tout simplement un désastre, de part en part ».
Le Pentagone et les experts du secteur privé s’attendaient à ce que l’armée du président russe Vladimir Poutine détruise rapidement la capacité de l’Ukraine à riposter, en sapant le commandement des 200.000 militaires ukrainiens, en démolissant les défenses antimissiles et en détruisant l’armée de l’air de Kiev. Rien de tout cela ne s’est produit lors des premiers jours de combats. Et, même s’il n’existe pas d’estimation fiable du nombre de soldats russes tués, blessés ou capturés, celui-ci semble être bien plus élevé qu’attendu.
« C’est un échec colossal du renseignement qui a largement sous-estimé la résistance ukrainienne, et l’exécution militaire a été terrible », a expliqué cette semaine Michael Vickers, ancien sous-secrétaire américain à la Défense pour le renseignement, au Centre d’études stratégiques et internationales. « Sa principale attaque a été insuffisante. Elle a été fragmentaire. Ses éléments de reconnaissance ont été capturés, des colonnes ont été détruites », a-t-il ajouté. « C’est tout simplement un désastre, de part en part ».
« Quelque chose ne va pas du côté russe »
Les Russes n’avaient pas non plus réussi à s’emparer rapidement d’un aéroport situé à proximité de Kiev et à le tenir, selon les experts militaires du centre Scowcroft de l’Atlantic Council. L’aéroport a été probablement trop endommagé dans les combats pour être utilisé comme prévu pour envahir Kiev, ont souligné ces spécialistes. De plus, ajoutent-ils, « les pertes d’avions et d’hélicoptères russes ont été étonnamment élevées et préjudiciables », car ils n’ont pas pu détruire les défenses aériennes des Ukrainiens.
Autre surprise : le déploiement limité et inefficace d’armes de guerre électroniques, qui devaient, selon les attentes des analystes, jouer un rôle déterminant dans l’attaque des moyens de communication des Ukrainiens. Scott Boston souligne aussi que les Ukrainiens ont continué à utiliser leurs drones Bayraktar de fabrication turque pour détruire les forces russes. « S’ils sont touchés par les drones turcs une ou deux fois, ok », dit-il. « S’ils sont touchés plus d’une ou deux fois, quelque chose ne va pas du côté russe ».
Une logistique défaillante
Pour le porte-parole du Pentagone, John Kirby, les Russes semblent ne pas avoir bien coordonné « leurs capacités considérables et diverses, ni géré la logistique de l’invasion ». « Nous avons des indications ici, dès le début, que bien qu’ils aient des capacités d’armes combinées sophistiquées, elles ne sont pas nécessairement pleinement intégrées », a-t-il ajouté. Tout aussi surprenant : leurs lacunes en matière de logistique.
« Nous voyons des véhicules abandonnés. Nous constatons des problèmes de soutien, non seulement en matière de carburant mais aussi de nourriture », s’est étonné John Kirby mercredi. Scott Boston, qui a pris part à des simulations de guerre de haut niveau axées sur les forces russes, souligne que certains signes indiquent qu’une grande partie de ces forces sont jeunes, insuffisamment entraînées pour ce type de conflit et qu’elles ignoraient probablement qu’elles partaient en guerre. Il semble aussi, ajoute-t-il, que les troupes sur le terrain n’avaient aucune idée de ce qu’elles essayaient de faire en envahissant l’Ukraine.
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La Russie loin d’être hors-jeu
Toutefois, aucun des experts ne voit les Russes hors-jeu. L’avancée de leur armée est au point mort, mais cela pourrait lui permettre de résoudre ses problèmes logistiques, note John Kirby. Au contraire, les spécialistes craignent que la frustration de Vladimir Poutine ne l’incite à déchaîner toutes les forces de son artillerie, de ses missiles et de sa puissance aérienne sur la population ukrainienne avec un effet dévastateur.
(RTL)

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