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L’accueil d’Erdogan au Pape en voyage à Chypre et en Grèce

(Rome, 03 décembre 2021). Le dernier mur d’Europe, objet de la visite du Pape, est encore loin de résoudre les problèmes liés à la géopolitique et aux revendications d’Ankara. Le rôle des USA et les perspectives (en termes de l’OTAN) de la Grèce

L’immigration et l’œcuménisme ne sont pas les seules questions au centre du voyage apostolique que le pape François effectue ces jours-ci à Chypre et en Grèce. La géopolitique, le dossier énergétique et la question séculaire de la réunification chypriote ont été au centre des mois précédant le voyage, comme l’a relevé ces derniers jours le secrétaire d’Etat, le cardinal Parolin. En toile de fond, les contre-mesures des deux pays de l’UE à l’égard de la posture turque en Méditerranée orientale, les paroles prononcées par le Pape Bergoglio hier à Nicosie (« Non aux murs ») et le rôle de plus en plus actif des États-Unis dans les perspectives de l’OTAN en Grèce, comme le rapporte le décryptage de Francesco De Palo dans le quotidien «Formiche».

ICI CHYPRE

Chypre représente le dernier mur d’une Europe unie, étant donné que l’île est traversée par la ligne verte qui la divise : au sud, Chypre membre de l’UE, au nord la République autoproclamée de Chypre du Nord, mais non reconnue par la communauté internationale en tant que fille de l’invasion turque de 1974 lorsque, où, en réponse à une tentative de coup d’État grec, l’armée d’Ankara a bombardé et occupé l’île (et s’y est installée jusqu’à ce jour). Il y a exactement un an et demi à l’Angélus d’août 2020, le Pape a exprimé ses encouragements aux négociations de réunification qui sont toutefois à nouveau dans l’impasse, après les rencontres infructueuses de Crans-Montana, en Suisse. Le Pape, a observé le cardinal Parolin ces dernières heures, réitérera la position du Saint-Siège en exhortant les parties au dialogue, « en tenant toujours compte du bien de toute l’île ».

Mais le point crucial réside dans la perspective à deux États : alors que la Grèce et Chypre sont favorables à une fédération, la Turquie et la République turque de Chypre du Nord (RTCN) insistent sur une solution à deux États qui reflète les réalités de l’île. Nicosie réclame depuis longtemps la suppression du statut de nation garante de la Turquie et surtout le retrait des troupes turques de Chypre. « C’est un rêve impossible », a répondu le chef de la RTCN, Ersin Tatar.

ICI ANKARA

L’«accueil» d’Erdogan au pape se retrouve dans une demande «sui generis» : il a demandé à tous les pays « amis et frères » d’envisager la reconnaissance de la République chypriote turque autoproclamée de Chypre du Nord, à l’occasion du 15e sommet de l’Organisation de coopération économique (ECO). Mais la loi ne le permet pas, puisqu’elle est issue de l’invasion armée de 1974. Il est bien clair que le dossier énergétique se cache derrière ces propos. Pas plus tard qu’hier, le gouvernement chypriote a dit oui à la licence du bloc 5 de la ZEE chypriote pour le consortium formé par «Exxon-Mobil Exploration and Production Cyprus Limited» et «Qatar Petroleum International Upstream LLC». En d’autres termes, les parties autorisées, dont les Américains d’Exxon, peuvent explorer la zone économique exclusive qu’Ankara vise, après avoir signé un accord sur la ZEE avec la Libye qui «contourne» la Grèce.

ICI LA GRÈCE

La Grèce est devenue une base américaine, a fait valoir Erdogan de manière controversée il y a quelques jours, provoquant l’irritation du département d’État. La référence est l’accord entre les deux pays qui prévoit : la baie de Souda, sur l’île de Crète, où un soutien logistique et opérationnel est apporté au Commandement européen (Eucom), au Commandement Central Command (Centcom) et au Commandement américain pour l’Afrique (Africom) ; La base aérienne de Larissa avec des drones MQ-9 Reapers fabriqués aux États-Unis ; Stefanoviko où se trouvent les Apaches et les Black Hawks.

La fourniture à Athènes des appareils M1117 a également été mise en avant, une transaction qui, une fois achevée, ajoute Francesco De Palo, reflétera un transfert d’équipement d’une valeur de près d’un milliard de dollars. L’ordre s’inscrit dans le cadre de l’alliance Ellino-américaine, ce qui se traduit également par une progression objective du niveau d’interopérabilité entre les deux forces armées. Comme l’a souligné le chef d’état-major de l’armée grecque, le général Charalambos Lalousis, la Grèce est un partenaire solide et fiable des États-Unis et de l’OTAN : « C’est un investissement que nous faisons l’un dans l’autre parce qu’une Grèce plus forte et plus sûre rend notre alliance plus forte et plus sûre, et rend ainsi les États-Unis plus forts et plus sûrs ». Autant de mesures qu’Ankara considère comme de la poudre aux yeux, alors qu’une nouvelle arrive de Bruxelles : le Conseil de l’Europe prend des mesures contre la Turquie pour la détention du philanthrope Osman Kavala. Le conseil de 47 membres a décidé d’invoquer un mécanisme (rarement utilisé) pour la non-libération du philanthrope accusé par Erdogan accusé d’être un pion de Soros.

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