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Quel avenir pour la Libye un an après le cessez-le-feu ?

(Rome, 08 novembre 2021). Plus de 12 mois après l’accord de cessez-le-feu qui a officiellement établi la trêve en Libye, l’avenir de l’ancien principal allié de l’Italie en Méditerranée est plus incertain que jamais. La trêve tient bon, mais les mercenaires et les forces étrangères continuent d’avoir les bottes bien plantées sur le sable du désert libyen, alors que les doutes entourant les élections (auront-elles lieu ? Quand ? Avec quelles garanties ? On ne sait pas) risquent de replonger le pays d’Afrique du Nord dans le chaos. Dans le marasme libyen, une figure semble se détacher de toutes les autres : l’actuel premier ministre « par intérim », Abdelhamid Dbeibah, un entrepreneur de Misrata qui a étonnamment été choisi en février dernier par le Forum de dialogue politique libyen (Lpdf), comme l’exprime dans son analyse de la situation Alessandro Scipione dans le journal «Il Giornale/Inside Over».

Dbeibah pour la présidence

Bien que son gouvernement provisoire d’union nationale ne soit ni uni ni national (le général Khalifa Haftar, en fait, ne reconnaît pas son autorité), Dbaibah a réussi au cours de ces quelques mois à obtenir un consensus interne grâce à un «cocktail» d’aide sociale et de subventions. Certains l’accusent d’avoir acheté des voix, mais en attendant, il est l’homme politique le plus populaire selon des sondages confidentiels. A l’étranger, le premier ministre «intérimaire» a su tisser un réseau dense de relations avec l’ensemble des acteurs internationaux impliqués, dans le but de s’imposer comme un interlocuteur crédible et sans «date limite». Mais en Libye, des rebondissements sont de mise et, l’éventualité d’un flash-back du général Haftar, d’une énième manœuvre machiavélique du président du parlement de Tobrouk, Aquila Saleh, ou d’un retour fracassant sur le terrain de Saïf al Islam Kadhafi, second fils du défunt rais aux ambitions politiques, ne sont pas à exclure.

Des mercenaires retranchés

Le 23 octobre 2020, alors que la moitié du monde entrait dans la deuxième vague de Covid-19, les membres du Comité militaire libyen 5 + 5 (composé de cinq officiers choisis par le gouvernement d’accord national de l’époque de l’ancien Premier ministre Fayez al Sarraj et cinq autres par l’armée nationale libyenne autoproclamée du général Khalifa Haftar) ont conclu un accord inattendu pour un cessez-le-feu permanent après des mois de guerre de faible intensité. La trêve comprenait, entre autres, la réouverture de la route côtière entre Misrata et Syrte, l’entrée d’observateurs de l’ONU et la sortie des forces étrangères et des mercenaires du pays. Cette dernière étape avait un délai précis : au plus tard deux mois. Il est dommage que les forces étrangères ne soient non seulement toujours en Libye, mais que les mercenaires du groupe russe Wagner aient construit une sorte de « Ligne Maginot » dans le désert qui va de Syrte à Jufra. La Turquie, qui avec son intervention en 2019 a renversé le cours du conflit en repoussant Haftar et ses alliés en Cyrénaïque, n’a pas l’intention de renoncer à la base aérienne d’Al Watiya et au port de Misrata. Au contraire, selon l’agence Nova, les Turcs font du lobbying visant à déloger l’hôpital de campagne italien de Misrata et mettre également la main sur l’aéroport.

Des élections sous le feu de critiques

Il est peu probable que les élections en Libye puissent être vraiment « libres, transparentes et équitables » sous le feu des AK-47 de mercenaires syriens ou de tireurs d’élite russes, ajoute Alessandro Scipione. La «formule» des Nations Unies est que le vote doit absolument avoir lieu le 24 décembre, jour du 70e anniversaire de l’indépendance du pays d’Afrique du Nord. Mais le cadre électoral et constitutionnel libyen est actuellement un désordre sans rime ni raison. Il a suffi de dire que la Haute Commission électorale libyenne a d’abord annoncé « par erreur » puis a retiré les 14 conditions pour se présenter aux élections présidentielles, ce qui a suscité un tollé. Dans le meilleur des cas, les élections se dérouleront sous la forme d’un «pot-au-feu» avec le premier tour de l’élection présidentielle le 24 décembre et les législatives 52 jours plus tard, donc mi-février, en conjonction avec le scrutin pour désigner le futur chef de l’Etat. En bref, un tableau plutôt confus qui risque de produire une énième impasse, les perdants ne reconnaissant pas les gagnants comme ce fut le cas en 2014.

La saison des conférences inutiles

Entre-temps, la saison des conférences internationales inutiles a commencé en Libye, particulièrement bonnes pour gonfler l’ego de ceux qui les organisent, mais sans grand impact sur le terrain. Vendredi 12 novembre, Paris réunira les chefs d’Etat et de gouvernement intéressés par le dossier libyen pour donner un « coup de pouce » aux élections du 24 décembre. La France a proposé la coprésidence à l’Italie et à l’Allemagne dans l’espoir d’un plus grand succès, mais le problème est le timing. L’organisation d’une nouvelle (énième) conférence à la veille de ce qui devrait être une campagne électorale délicate pourrait en effet aggraver les conditions politiques internes en Libye. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a déjà annoncé qu’il ne se rendrait pas dans la capitale française. La vice-présidente Kamala Harris présentera les États-Unis, pas vraiment un expert de la Libye, alors qu’il est difficile de croire que Vladimir Poutine puisse se déplacer pour la Russie. L’initiative française annoncée n’a cependant pas été très bien accueillie par les Libyens. En effet, sur cinq hommes politiques interrogés par Nova, tous ont rejeté la proposition de l’Elysée. Pas exactement la meilleure des cartes de visite pour nos cousins ​​transalpins.

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