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Bruit de bottes entre l’Algérie et le Maroc pour le Sahara

(Rome, Paris, 04 novembre 2021). Le Maroc exclut toute responsabilité dans la mort de 3 chauffeurs algériens et assure qu’il ne s’impliquera pas dans un conflit armé

Comme le rapporte Massimiliano Boccolini dans le quotidien «Formiche», trois chauffeurs algériens ont perdu la vie le 1er novembre alors qu’ils se trouvaient à bord de leurs camions, qui ont pris feu sur la route reliant Nouakchott, la capitale mauritanienne, à Ouargala en Algérie. Aujourd’hui encore, on ne sait pas comment ces trois camions se sont enflammés et à quel endroit précis de la route, longue de 3.500 kilomètres et nécessitant deux jours de voyage, l’accident s’est produit.

Pourtant, deux jours plus tard, l’agence de presse officielle algérienne « APS » publiait un communiqué de la présidence algérienne selon lequel « trois citoyens algériens ont été lâchement assassinés dans un bombardement barbare de leurs camions », accusant les forces armées marocaines d’avoir mené un raid aérien via un drone et avertissant que « leur meurtre ne restera pas impuni ».

La note semble présager le pire. Depuis le 13 novembre 2020, date à laquelle les forces armées marocaines sont intervenues au poste frontière de Guerguerat avec la Mauritanie pour créer un cordon de sécurité, et avec la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté de Rabat sur le Sahara occidental, l’escalade diplomatique et politique de l’Algérie envers le Maroc a commencé, avec des initiatives répétées, à commencer par la rupture des relations diplomatiques jusqu’à la fermeture du gazoduc Maghreb-Europe (MEG), qui selon les observateurs locaux pourrait être le prélude à un conflit armé. Pour l’opposition algérienne, ces initiatives visent à détourner l’attention de l’opinion publique nationale de la crise économique et politique qui frappe le pays depuis des années.

Entre-temps, le voisin marocain fait savoir qu’il ne sera pas impliqué dans une guerre avec l’Algérie. C’est ce qu’assure une source marocaine. « Si l’Algérie veut la guerre, le Maroc ne la veut pas. Le Maroc ne sera jamais entraîné dans une spirale de violence et de déstabilisation régionales, explique la source. Si l’Algérie veut entraîner la région dans la guerre, avec des provocations et des menaces, le Maroc ne suivra pas. Le Maroc n’a jamais ciblé et ne ciblera jamais les citoyens algériens, quelles que soient les circonstances et les provocations ».

Pour le moment, la présidence algérienne n’a pas précisé l’endroit exact où a eu lieu ce bombardement. Selon le site algérien spécialisé « Menadefense.net », des chauffeurs routiers algériens auraient été tués à Bir Lahlou, alors que la route que les chauffeurs routiers empruntent habituellement pour aller de Nouakchott à Ouargala ne passe pas par ce village. Selon la source marocaine, cette zone est utilisée exclusivement par les véhicules militaires des milices armées du Front Polisario, les séparatistes sahraouis soutenus par l’Algérie qui luttent pour l’indépendance de l’ancienne colonie espagnole.

Par ailleurs, plusieurs observateurs notent que l’Algérie n’a fourni aucune preuve concrète suites à ces accusations. C’est en tout cas la première fois que les tensions entre les deux pays, jusqu’ici diplomatiques, se déportent sur le terrain militaire. Selon RFI, les tensions entre Alger et Rabat sont très anciennes, notamment sur le Sahara occidental, mais depuis quelques temps, l’escalade est permanente. Le récent divorce diplomatique remonte au mois de décembre 2020. Alors que Donald Trump était encore président, les États-Unis ont reconnu la « marocanité » du Sahara occidental. En échange, Rabat a accepté de normaliser ses relations avec Israël. Ce deal a provoqué un scandale et la colère d’Alger qui a dénoncé « l’arrivée de l’entité sioniste » à ses frontières et des craintes de « déstabilisation ». Au même moment, le Front Polisario a décrété la fin d’un cessez-le-feu vieux de trente ans à la suite d’une incursion de l’armée marocaine à proximité de la frontière mauritanienne. «Le Maroc s’est équipe dernièrement de drones de combat et de drones kamikazes. Il y a vraiment une coopération militaire. C’est une véritable source d’inquiétude pour l’Algérie. Les deux pays ne s’entendent plus, ne se font plus confiance. C’est l’impact du rapprochement avec Israël qu’on est en train de voir entre les deux voisins maghrébins».

À ce jour, ajoute Massimiliano Boccolini, il existe de nombreuses zones d’ombre dans cette histoire. Après deux jours de silence, l’Algérie a officiellement accusé les Forces armées royales d’avoir tué trois chauffeurs de camion algériens. Les médias du Polisario ont parlé d’une attaque dans ce qu’ils appellent les « territoires libérés », c’est-à-dire la zone tampon à l’est du «mur de sable». Mais cela aurait aussi pu se produire à un endroit en Mauritanie ou en Algérie.

Une situation similaire s’est produite le 14 octobre lorsqu’une « attaque terroriste » a été annoncée dans cette région. Le ministère algérien de la Défense a indiqué l’endroit où la bombe artisanale a explosé, le localisant aux « frontières ouest du pays, à Deglen, commune de Béni Boussaïd, (Wilaya de Tlemcen) ».

Par ailleurs, les images diffusées sur les réseaux sociaux à propos de cette affaire remettent en cause la thèse de l’attaque par un drone des forces marocaines. Elles montrent des camions complètement carbonisés qui pourraient être l’œuvre d’un incendie accidentel, d’origine criminelle ou de l’explosion d’une mine, selon l’analyse du site « Yabiladi ». « Une attaque par un avion sans pilote aurait pulvérisé les véhicules et créé un cratère dont la profondeur aurait fourni des informations sur la puissance et le poids du missile utilisé dans l’opération », peut-on lire.

Avec cette annonce, l’Algérie accentue la crise avec le Maroc, qui, selon le président Abdelmajid Tebboune, est la cause de tous les problèmes du pays. Les autorités algériennes ont annoncé le 13 octobre avoir déjoué un « complot » visant à porter atteinte à la stabilité du pays. Il serait l’œuvre d’une « organisation terroriste (…) qui épouse des tendances séparatistes », avec la complicité « de l’entité sioniste et d’un Etat d’Afrique du Nord », faisant allusion au Maroc.

Outre le Maroc, la communication de la présidence algérienne a également évoqué au passage la Mauritanie voisine. Une sorte d’avertissement adressé au président Mohamed Cheikh Ould El Ghazouani visant à arrêter une éventuelle coordination militaire et sécuritaire entre Nouakchott et Rabat.

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