(Rome, 21 septembre 2021). La France a obtenu le soutien de ses partenaires européens dans sa crise diplomatique avec Washington et Canberra. Un nouveau forum UE-US prévu fin septembre pourrait être reporté.
L’onde de choc provoquée par la nouvelle alliance indo-pacifique nouée par les Etats-Unis avec l’Australie et le Royaume-Uni n’en finit pas de parcourir l’Europe, alors que la France ne décolère pas contre Washington qui a agi sans concertation et lui a soufflé un énorme contrat de ventes de sous-marins à Canberra.
Paris a eu la satisfaction, lundi, d’obtenir le soutien de ses partenaires européens , comme l’a affirmé Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, après une réunion des ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept, réunis à New York en marge de l’Assemblée générale de l’ONU.
Confiance érodée
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a jugé «inacceptable» la façon dont Paris a été « traité », dans un entretien sur la chaîne CNN. Le président du Conseil européen, Charles Michel, a lui dénoncé un « manque de loyauté » de la part des Etats-Unis. Reste maintenant à savoir comment réagir à cette alliance anglo-saxonne baptisée Aukus.
Comme l’a expliqué Thierry Breton, le commissaire européen au Marché intérieur également chargé de la défense, mardi dans un discours prononcé au think tank Atlantic Council, à Washington, « après les derniers événements, il y a le sentiment que la confiance s’est érodée entre l’UE et les Etats-Unis. Il est probablement temps de faire une pause et de réinitialiser la relation transatlantique ».
Déjà, les Européens songent à reporter une importante réunion prévue le 29 septembre, à Pittsburg en Pennsylvanie, dans le cadre d’un nouveau forum, le Conseil commun du commerce et de la technologie. Cette instance, baptisée TTC en anglais, annoncée en juin lors de la visite du président américain Joe Biden à Bruxelles, vise à établir des régulations communes respectueuses des droits humains, notamment dans la haute technologie, afin de contrer l’influence chinoise.
Report envisagé
Mardi, les ambassadeurs des Vingt-Sept auprès de l’UE ont décidé de repousser les discussions préparatoires à cette première réunion, selon Reuters. Selon nos informations, un certain nombre d’Etats membres, notamment les Baltes, souhaitent préserver le forum. Il reviendra à la Commission européenne de décider dans les jours qui viennent.
Selon Clément Beaune, à Bruxelles mardi pour un Conseil affaires générales qui réunissait les ministres en charge des Affaires européennes, « il est important de marquer le coup ». Selon lui, « nous devons, sans agressivité ou sans être contre nos alliés, être plus souverains, plus autonomes, plus capables de défendre nos intérêts, de penser par nous-mêmes, on l’a vu dans la crise afghane, on le voit dans cette tension du moment ».
Transatlantisme identitaire
Le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes s’interroge aussi sur la poursuite des discussions commerciales en cours avec l’Australie. Le ministre suédois des Affaires européennes a mis en garde contre une riposte trop sévère : « Bien sûr nous devons défendre nos intérêts stratégiques, mais nous ne devons pas le faire en nous repliant sur nous-mêmes ». Selon Eric Maurice, responsable du bureau de Bruxelles de la Fondation Schuman, la suite des discussions « risque d’être compliquée dans un premier temps au sein des Vingt-Sept, car pour un certain nombre d’Etats membres, dont la Pologne et les pays baltes, la relation transatlantique reste au cœur de leur identité ».
Par Karl De Meyer. (Les Echos)