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Des navires iraniens à Saint-Pétersbourg: le message de Téhéran à Washington

(Rome, 25 juillet 2021). Le dernier emplacement signalé par les sites de suivi montre le navire iranien Makran à l’Est de la côte du Danemark. Mais en réalité, avec le navire Sahand, ils se trouvent tous deux à Saint-Pétersbourg.

Ainsi se termine l’une des « odyssées » les plus curieuses et les plus fascinantes de ces derniers temps. Après des semaines de véritable chasse au cours desquelles les services américains se sont longuement interrogés sur la destination finale des deux navires iraniens.

Après le passage du cap de Bonne-Espérance, certains observateurs avaient pensé à l’Amérique du Sud comme destination, peut-être pour retourner au Venezuela comme cela s’est déjà produit dans d’autres missions de la flotte de Téhéran. D’autres avaient misé sur la Syrie, pour rejoindre les côtes de la Méditerranée orientale, montrant la capacité de la flotte à éviter la mer Rouge et le canal de Suez après les tensions avec Israël, lit-on dans l’analyse de Lorenzo Vita dans «Inside Over». A défaut, la route du Makran et de son navire d’escorte, le Sahand, avait une destination inattendue et décidément plus autoritaire : la Russie. Une route qui s’était confirmée une fois que les deux bateaux avaient également passé les côtes atlantiques de l’Europe. Ici, comme certaines unités du Pakistan et de l’Inde, le Sahand a pris part à la parade en l’honneur du 325e anniversaire de la marine russe sur la rivière Neva.

La démonstration de force de l’Iran ne doit pas être sous-estimée, ajoute Lorenzo Vita. La décision d’aller jusqu’à Saint-Pétersbourg n’a pas seulement été dictée par la volonté de célébrer l’anniversaire de la flotte russe, mais aussi d’envoyer un signal. Comme le rapporte «Usni News», selon l’expert iranien Behnam Ben Taleblu, la décision de l’Iran « pourrait être le signe d’un intérêt accru de l’Iran à améliorer ses capacités maritimes et à tester les limites de sa portée ». Le message serait donc adressé à l’OTAN, alarmée et intriguée par la démarche de Téhéran, mais surtout aux Etats-Unis. La marine iranienne a démontré non seulement sa capacité à se déplacer sur de très longues distances, mais surtout à traverser les eaux liées à l’orbite atlantique, en passant par la Manche et la Baltique. Des zones qui ont toujours été au centre des tensions avec la Russie, qui utilise ce corridor pour amener ses navires de la Flotte du Nord vers la Méditerranée lorsqu’elle ne peut pas lancer ses unités depuis la mer Noire.

Avoir conduit le Makran à Saint-Pétersbourg, poursuit Lorenzo Vita, alarme aussi les Etats-Unis sur le front vénézuélien. Ce n’est pas un mystère que l’Iran ait envoyé à plusieurs reprises ses bateaux dans les ports d’Amérique latine pour transporter du pétrole raffiné (mais nombreux sont ceux qui l’accusent d’avoir envoyé des moyens militaires et des armes). Le Venezuela dispose en effet d’énormes gisements de pétrole que les sanctions américaines empêchent Caracas de raffiner. Washington a souvent évoqué l’hypothèse d’un blocus naval pour empêcher les pétroliers iraniens ou d’autres pays d’échapper aux sanctions internationales. Mais il est clair que bloquer le plus grand navire militaire iranien – qui pourrait également transporter des tonnes de pétrole – serait non seulement flagrant, mais aussi dangereux. L’escalade qui s’en suivrait pourrait concerner le golfe Persique et toutes les zones de conflit dans lesquelles les forces iraniennes sont impliquées ou celles liées à l’orbite de Téhéran. Une image que le Pentagone et la Maison Blanche ne semblent pas vouloir tenir compte pour le moment, d’autant plus qu’ils se sont engagés à trouver un accord sur la question nucléaire.

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